• Cours intégral - Fragments - 1ère partie, chap. I ( Le crime de lèse majesté)

     

    Crime contre l’Etat : le crimen majestatis

    Incrimination et répression

    (section 2, § 1, A, 2°)

     

    La maiestas (majestas) fait référence à un état supérieur, à un pouvoir maius « plus grand », qui peut s’exercer dans l’ordre divin (Dieu) comme dans l’ordre terrestre (au profit de celui qui incarne le pouvoir). Ce pouvoir d’essence particulière est garant de stabilité, d’harmonie, d’ordre. De sorte qu’il ne doit pas être remis en cause (d’aucune manière que ce soit), car toute atteinte à la majesté (fut-elle divine, royale, impériale) peut ruiner l’ordre et l’harmonie qu’elle soutient. La majesté se définit surtout par les atteintes qui lui sont portées. On a vu ainsi la notion évoluer avec les régimes politiques.

     Définitions

     On trouve une définition du crime de lèse-majesté dans un fragment d’Ulpien au Digeste : « ce qui est commis contre le peuple romain ou sa sécurité » → définition large, imprécise qui rejoint ce que l’on trouve déjà dans la loi des XII Tables : « la rébellion contre la majesté du peuple romain, le trouble apporté à sa puissance ». La nature du régime conditionne la définition de la majesté / lèse-majesté : ici, le régime est républicain, l’incarnation du pouvoir est le peuple romain : « majesté, puissance, sécurité du peuple romain ».

     Par la suite, la définition se précise.

     Principat : la notion de majesté s’applique au Prince et aux principaux dignitaires du pouvoir.

     Dominat : Dioclétien institue une lèse-majesté proprement impériale. Il s’agit alors de réprimer toute offense à l’empereur ou à sa famille – à la dynastie impériale – que l’offense soit verbale ou physique. La moindre manifestation d’hostilité à l’autorité impériale est sévèrement punie au titre du crimen majestatis.

    Ces définitions confirment le caractère flou de la notion de majesté, ce qui a inévitablement conduit à des abus dans la répression (méthode propre aux régimes autoritaires et répressifs qui punissent le crime politique : plus l’incrimination est vague, plus elle permet d’atteindre d’ennemis potentiels du régime…)

     

    Peines

     Le crime de lèse-majesté est un crime capital (son auteur encourt la peine de mort).

    La peine de mort figure d’ailleurs dans la Loi des XII Tables et dans les leges de la fin de la République. Cependant, lorsque la compétence des jurys se substitue à celle des comices (milieu du IIe siècle Av. JC), les auteurs de tels crimes se voient appliquer une peine plus douce : l’interdiction de l’eau et du feu (forme d’exil, de bannissement) → sur les causes de ce changement de pratique pénale, cf. le régime des peines ( section 2, § 2, B)

     Dès le début du Principat, l’indulgence n’est plus de mise et le crimen majestatis est à nouveau puni de mort de manière effective, sans distinction de classe : honestiores et humiliores sont traités de la même manière (ce qui n’est pas le cas pour les crimes de droit commun). Cette politique pénale ne fera que se renforcer au Bas-Empire. A la fin du IVe siècle, la peine du crime de lèse-majesté va d’ailleurs connaître un régime exorbitant en s’étendant à la descendance du coupable : une constitution de 397 (Arcadius) prévoit en effet des sanctions patrimoniales à l’encontre des fils et des filles de l’auteur, qui se voient exclus de la succession de leur père (la peine de mort est assortie de la confiscation totale du patrimoine) et de leur mère.

    → extrait de « La peine en droit romain » (M. Humbert), p. 168 (références dans la bibliographie)

    En renonçant au principe de l’individualité de la peine, l’empereur instaure un droit pénal d’exception quand la sécurité de l’Etat ou du prince est en jeu. Cette constitution, qui figure dans le Code de Justinien, inspirera la répression du crime de lèse-majesté dans l’ancienne France (cette répression y obéit à un régime répressif exorbitant, dérogatoire au droit commun → juridiction compétente / procédure suivie / peine prononcée); on la retrouve alors sous le nom de loi quisquis.


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