• Questions des étudiants

     

    Question 1

    Mandat : je n’ai pas compris le principe qui consiste à « effectuer des actes juridiques nécessaires pour reporter sur la tête du mandant l’effet des opérations accomplies par le mandataire». Pouvez-vous me donner des exemples d’un tel transfert ?

     

    Ce problème du transfert sur la tête du mandant des effets des opérations accomplies par le mandataire dépend d’abord de l’objet du mandat :

    -  S’il ne s’agit pas d’un acte juridique, mais d’un acte matériel, d’une mission quelconque vis à vis d’un tiers, il n’y a pas vraiment d’effets à transférer sur la tête du mandant. Le mandat retrouve plutôt ici sa vocation initiale de service rendu.

     

    Ex / le mdataire s’engage vis à vis du mdant à accomplir un travail (non rémunéré) au profit d’un tiers. Une fois le travail accompli, le mdtaire se contente de rendre compte de sa mission au mdant. Ce dernier ne lui doit rien, puisqu’il s’agit d’un contrat gratuit.

    C’est toutefois dans l’accomplissement d’un acte juridique que s’illustre particulièrement le mandat (acheter, vendre, agir en justice, contracter un prêt…) Dans ces cas, le droit romain n’assure pas une représentation parfaite du mandant par le mandataire. L’acte juridique effectué (ex / l’achat d’un bien) par ce dernier produit ses effets sur sa propre tête ; ce qui veut dire concrètement que c’est le mandataire qui s’oblige en devenant créancier ou débiteur à la place du mandant. Les tiers ne connaissent que le mandataire, pas le mandant.

    Donc, une fois l’opération effectuée (le mdtaire a payé le prix et se trouve en possession du bien, en tant qu’acquéreur), il transfère à son mdant le bénéfice (ou le passif) résultant des opérations accomplies (en l’occurrence le mdtaire doit mettre le mdant en possession du bien acquis). Parfois, ce transfert peut exiger un nouvel acte juridique entre le mdtaire et le mdant (par exemple une mancipatio, c’est à dire un transfert matériel de propriété – qui est un acte formaliste contraignant – si l’opération effectuée a eu pour effet de transférer la propriété d’un bien sur la tête du mdtaire)

    C’est la raison pour laquelle ce type de contrat exige une grande confiance du mdant en son mdtaire et réciproquement (si le mdtaire, par exemple, devient débiteur d’un tiers, en vertu de mandat, pour une somme d’argent).

     

    Question 2

    Qu’est-ce que l’actio locati accordée au bailleur et l’actio conducti accordée au preneur ?

    Votre question porte sur les effets du contrat de louage qui est, comme la vente, un contrat consensuel synallagmatique de bonne foi. Il fait donc naître des obligations réciproques pour les deux parties :

    Par exemple   Dans la locatio rei (louage de chose : le bailleur remet une chose à la disposition du preneur pour qu’il s’en serve en contrepartie d’un loyer) :

    1 )  Le bailleur doit mettre la chose à la disposition du locataire, lui en assurer une jouissance normale, et éventuellement rembourser les impenses en fin de contrat.

    S’il néglige l’une de ces obligations, le locataire / preneur dispose pour le contraindre d’une action qui lui est propre : l’actio conducti (action de bonne foi).

     

    2 )  Le preneur doit, de son côté, payer le loyer, se servir de la chose conformément à sa destination naturelle et la restituer en fin de contrat.

    S’il néglige l’une de ces obligations, le bailleur dispose pour le contraindre d’une action qui lui est propre : l’actio locati.

    Dans ce type de contrat, qui fait naître des obligations réciproques à la charge des deux parties, le droit romain prévoit des actions distinctes (à cause de l’indépendance des obligations réciproques) pour sanctionner les obligations de chaque cocontractant, d’où le nom double de ces contrats : emptio-venditio pour la vente, locatio-conductio pour le louage.

     

    Question 3

    En quelques phrases, pouvez-vous m’éclairer et m’expliquer la différence entre le droit DU contrat et le droit DES contrats ? Est-ce une question de principe et d’exception s’agissant du consensualisme et du formalisme ?

    Je crois avoir répondu à votre question dans la conclusion du chapitre sur les fondements romains. Je vais néanmoins essayer de formuler la réponse autrement.

    Il s’agit en effet de distinguer les systèmes qui font du consensualisme un principe ou une exception.

    Lorsqu’un système juridique admet le consensualisme comme principe (c’est ce qui se passe aux XVIIe et XVIIIe siècles grâce à l’œuvre de Domat et Pothier, oeuvre qui sera ensuite reprise par le Code civil), cela suppose pour la mise en œuvre du principe, toute une construction théorique autour du contrat : c’est pourquoi on peut alors parler de droit commun DU contrat, c’est à dire d’un corpus de règles générales applicables à tous les contrats consensuels indifféremment.

    → le contrat est régi par ce droit commun, cet ensemble de règles qui domine la matière (le principe)

    → les contrats spéciaux obéissant à des règles qui leur sont propres (souvent liées à des exigences formalistes) demeurent l’exception dans un tel système.

     

    -  En revanche, lorsqu’un système juridique admet le formalisme comme principe et le consensualisme comme exception, le droit résultant ne peut qu’être un droit empirique, qui se forme au gré des besoins et dont les règles sont spécifiques à chaque type de contrat : c’est le cas du droit romain qui ne connaît que les contrats spéciaux (la spécificité résultant de la diversité des formes créatrices de droit) : diversité des formes → diversité des règles → droit DES contrats (pas de théorie générale du contrat sous réserve de quelques principes communs applicables à tous les contrats, mais dont la construction théorique reste inachevée : ce que nous avons appelé « la technique du contrat »).

     

    Question 4

    Pourriez-vous me donner des précisions sur les « pactes » en droit romain tardif : est-ce que ce sont des contrats, comment se forment-ils, quelles est leur origine, comment étaient-ils utilisés ?

    Quelle est l’époque du droit romain tardif ?

    En matière de contrat de vente, quel est le contenu de l’obligation si ce n’est pas le transfert de propriété ?

     

    Droit romain tardif (repère chronologique relatif aux sources du droit romain) : période qui couvre le droit du Bas-Empire (fin du IIIe siècle PC) et au-delà de la chute de l’Empire d’Occident, puisqu’on y inclut le droit des empereurs byzantins et notamment les compilations de Justinien du VIe siècle.

     

    Pactes

    A Rome, il faut bien distinguer les pactes « nus » des pactes sanctionnés par le droit (adjoints / prétoriens / légitimes)

    -  Le pacte « nu » ne fait pas partie de la typologie efficiente des contrats romains. Ce n’est donc pas un contrat, puisqu’il n’est assorti d’aucune action. Il fait partie de ces « situations contractuelles » possibles, fondées sur l’échange des consentements, mais que le droit ne sanctionne pas (« du pacte nu ne naît aucune action »). De sorte que les parties qui viendraient à conclure un tel pacte prennent le risque, en cas de différend, de se trouver sans recours (au sens judiciaire du terme) pour obtenir éventuellement la sanction de l’obligation objet du pacte. C’est une convention (accord de volontés dénué de formalisme) sans valeur juridique, donc sans intérêt. On peut dire du pacte « nu » qu’il est l’ultime obstacle à la reconnaissance du consensualisme comme principe à Rome.

    -  Les pactes que vous évoquez dans votre question sont des conventions (formées par le seul échange des consentements) sanctionnées par le droit (c’est à dire assorties d’une action) et officiellement inclues dans la typologie limitée des contrats romains. Ce sont donc bien des contrats (puisque sanctionnés par une action) et de surcroît des contrats purement consensuels (aucune solennité n’est requise pour leur formation)

     

    S’agissant de l’origine, tout est dans le cours. En résumé :

     

    • les pactes adjoints (convention jointe à un contrat pré-existant et sanctionnée par l’action de ce contrat « principal ») sont l’œuvre de la jurisprudence.

    • les pactes prétoriens (qui sont autonomes au contraire des précédents) ont été reconnus par le préteur au cas par cas, pour répondre à des besoins précis, conformément à la tradition romaine de création empirique du droit.

    • les pactes légitimes ont été intégrés à la typologie tardive par la législation impériale (lex / legis / légitime), au cas par cas et de manière empirique, comme les précédents.

     

    Comment étaient-ils utilisés ?

    Il suffit, pour le comprendre, de se reporter à l’objet de chaque pacte spécifique (tout ceci a été vu dans le cours, je vous invite à vous y reporter car je ne ferais que me répéter).

    Deux exemples :

    • le pacte de distrahendo (pacte adjoint au contrat de gage) permettait au créancier gagiste de vendre la chose gagée à l’échéance de la dette. Il permettait de faire du gage un véritable moyen de compensation et plus seulement un moyen de pression.

    • le compromis (pacte légitime) en vertu duquel 2 parties en conflit décident de recourir à un arbitre pour régler leur différend. Il doit être suivi du receptum arbitrii (pacte prétorien) qui scelle l’engagement des parties et de l’arbitre choisi.

     

    La vente

    S’agissant de la vente, il faut se départir de la vision juridique moderne de ce contrat. Elle n’emporte pas transfert de propriété mais seulement la possession paisible et durable de la chose.

    Rappel du contenu des obligations du vendeur :

    • livrer la chose par tradition (sans transfert de propriété)

    • conservation de la chose jusqu’à la délivrance (si l’acheteur était propriétaire de la chose vendue dès l’accord des volontés, c’est lui qui en supporterait les risques, et non le vendeur)

    • obligation accessoire de garantie contre l’éviction et les vices cachés

     

    Question 5

    Pouvez-vous m’expliquer la partie sur les contrats consensuels avec la notion de numerus clausus ?

    Je ne peux pas refaire le cours sur cette partie, à moins que vous ne précisiez votre question. En revanche, je peux expliquer la notion de numerus clausus.

    Le consensualisme apparaît à l’époque classique vers le IIe s. AC ; on en ignore les origines (peut-être l’œuvre du préteur, inspiré par les pratiques des pérégrins), mais le principe d’un lien de droit susceptible de se nouer par le simple échange des consentements – indépendamment de tout formalisme – est désormais acquis ; il donne naissance à des contrats spéciaux consacrés en nombre limité (4) et à titre exceptionnel (le principe demeure le formalisme). Ces quatre contrats consensuels sont la vente, le mandat, le louage et la société. On évoque à leur propos un numerus clausus (litt. « nombre fermé ») c’est à dire la limitation d’une catégorie de contrats. Le numerus clausus des contrats consensuels s’inscrit dans le prolongement d’une « typologie » des contrats, conformément à l’extension empirique du champ contractuel et au rejet de principe du consensualisme.

     

    Question 6

    En étudiant la section sur l’évolution de la pratique et du droit coutumier, je n’ai pas compris ce que signifiait la clause stipulatoire de style utilisée par les notaires au XVIe s?

    Si la pratique et le droit coutumier continuent d’évoluer dans le sens d’une faveur toujours plus grade accordée au consensualisme, certaines craintes demeurent à l’égard de ce mode de formation qui peut conduire à des engagements inconsidérés car trop « faciles » et peu contraignants. Chez les juristes praticiens, comme les notaires, ces craintes relèvent plutôt de la sanction de ces contrats. Or on sait que de ce point de vue, il y a encore des hésitations à valider le « pacte nu » (cf. la jurisprudence du Parlement ou les divergences coutumières). Pour se prémunir contre les risques d’une invalidation, les notaires qui rédigent l’acte constatant le pacte (C. consensuel) prennent l’habitude d’y insérer une clausule dite clause stipulatoire, devenue clause de style (clause que l’on retrouve dans les actes de même genre). D’inspiration romaine, cette clause constitue un avatar de l’expédient romaniste de la stipulation simplifiée (le mot « promesse » figurant dans la clause suffit à faire présumer une stipulatio qui n’a pas eu lieu) : la stipulatio présumée en vertu de la clause contredit ici le caractère consensuel du contrat puisqu’elle implique la survivance d’un formalisme romain (même s’il est sommaire et peu contraignant). La finalité d’une telle clause est de protéger le contrat contre les dangers d’un consensualisme encore fragile (dès lors qu’on ne lui reconnaît pas toujours la sanction qui permet de valider le lien de droit).

     

    Question 7

    Pourriez-vous m’expliquer les rôles des jurisprudents et des jurisconsultes dans le droit romain classique ?

    Je pourrais répondre en 2 mots : docteurs et consultants.

    - docteurs : juris-prudentes au sens de doctrine, menant une réflexion théorique et "sage" - prudente, au sens latin du terme - sur le droit.

    - consultants sur des questions pratiques : rédaction d'actes juridiques, assistance des parties dans un procès, conseillers des préteurs auxquels ils inspirent, selon les besoins du moment, les nouvelles formules judiciaires qui ont fait si profondément évoluer le droit.

     

    La "jurisprudence" romaine combine donc deux rôles : un rôle de théoriciens du droit (mené dans le cadre d'une réflexion fondamentale) et un rôle de praticiens (dans leur activité de consultation, lesdites consultations étant appelées des réponses, responsa). C'est ce va-et-vient continuel de la pratique à la théorie qui explique la grande fécondité de la jurisprudence romaine à la fin de la république.

     

     

     

     

     

     

     


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