• L’EGLISE ET LE « JUGEMENT DE DIEU »

    <o:p> </o:p>

    L’Eglise a toujours condamné les ordalies sans vraiment pouvoir les empêcher.

    Deux motifs de condamnation :

    <o:p> </o:p>-         la cruauté des épreuves infligées au patient (or, ecclesia abhorret a sanguine, l’Eglise a horreur du sang)

    -         le prétendu jugement de Dieu tente de percer ses desseins ; mais l’homme ne peut provoquer l’intervention divine dans les affaires temporelles car les jugements de Dieu sont insondables.

    Faute de pouvoir les empêcher, l’Eglise a christianisé ces épreuves d’origine païenne (célébration d’une messe, bénédiction des éléments de l’épreuve…), à l’exception du duel judiciaire car les clercs y sont très hostiles (sanctions spirituelles graves encourues par les parties à un duel judiciaire).

    Réitération de la condamnation des ordalies

    -         hostilité des évêques carolingiens (ex : Agobard de Lyon)

    -         le Pape Nicolas 1er en 867 déclare que le duel judiciaire est « contraire à la loi de Dieu »

    → condamnations inefficaces : aux Xe et XIe siècles, on voit même des monastères recourir à l’ordalie et au duel pour défendre leurs droits. C’est seulement à partir du XIIe que l’hostilité de l’Eglise commence à faire reculer l’ordalie.

    -         1215 : le Concile Latran IV interdit aux clercs d’y participer

    -         les Décrétales de Grégoire IX au XIIIe prohibent de façon générale le recours à ce type de preuve « car elles font bien souvent condamner l’innocent et c’est tenter Dieu » (il s’agit donc d’un sacrilège).


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  • - Les effets de la question

    <o:p> </o:p>-         En cas d’aveu (confession du crime) : l’aveu complète la preuve (les indices graves) recueillie contre l’accusé et la condamnation peut être prononcée.

    -         Au cas de dénégation (lorsque l’accusé résiste aux tourments en « gardant bonne bouche », ne subsistent contre lui que les indices qui ont motivé le recours à la question, mais qui ne constituent pas une preuve certaine, et qui ne peuvent donc  fonder une condamnation définitive.

          ® conséquence : l’accusé doit être absous, aucune peine ne peut être prononcée : la question purge les indices.<o:p></o:p>

    Application rigoureuse de la théorie des preuves légales : pas de preuve complète, pas de condamnation.

    <o:p> </o:p>

    Remarque : tous les accusés soumis à la question n’avouaient pas systématiquement, malgré la cruauté des tourments. Il existait en effet des moyens (illicites) permettant de s’endurcir, de « stupéfier les nerfs » afin de résister aux tourments.

    <o:p> </o:p>Ex / ils pouvaient se procurer en prison diverses substances analgésiques :

    -         drogues (opium ou produits opiacés, comme le laudanum)

    -         produits plus « fantaisistes » cités par les criminalistes : savon, encens, poudre de crâne humain, poudre à canon, lie de vin…

    Le problème des drogues est d’ailleurs évoqué dans les traités de droit criminel : « l’accusé doit être appliqué à la question le jour que la sentence [jugement interlocutoire ordonnant le recours à la question] lui aura été prononcée de crainte qu’il n’ait le temps de se précautionner contre les douleurs de la question, par des remèdes qui se trouvent propres à cela. » (Cl. Duplessis, Traité des matières criminelles, 1728)

    <o:p> </o:p>

    § 2 -  Evolution des voies de recours<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Dans un premier temps, la question de l’appel criminel est résolue différemment dans les pays de coutume (nord) et de droit écrit (sud).

    <o:p> </o:p>

    -         Dans les pays de coutume, on continue à pratiquer l’appel pour faux jugement (sorte de prise à partie du juge, fondée sur un reproche de partialité). Appel qui donne lieu à un nouveau procès devant le Parlement, entre la partie appelante et le juge de première instance. (¹ de l’appel romano-canonique puisque l’appelant n’attaque pas la décision, mais le juge qui l’a rendue) ® procédure très utilisée contre les juridictions seigneuriales pour mieux les contrôler, les soumettre, les intégrer à l’appareil judiciaire.

    -         En même temps ( XIIIe), dans les pays de droit écrit (midi romanisé), on pratique l’appel romain, formé contre la décision du juge.

    Problème : en droit romain l’appel criminel est strictement réglementé, c’est à dire exclu lorsque la condamnation repose sur des preuves certaines (flagrant délit, témoignages, aveu), car il est alors considéré comme dilatoire (aucune contestation de la décision n’est dès lors possible). Or, d’après la théorie des preuves légales, lorsqu’elle est appliquée dans toute sa rigueur, il ne peut y avoir de condamnation sans preuve certaine. Aussi, tel qu’il est réglementé par le droit romain, l’appel n’est-il pas compatible avec cette conception objective de la preuve. Il a donc fallu adapter la règle romaine de l’appel dilatoire, en la contournant. C’est ce que fit la jurisprudence médiévale (cf. l’adaptation à la société médiévale – et non la transposition – du droit romain redécouvert).

    Les juges royaux finissent donc par accepter le principe d’un appel formé contre les sentences prononçant une condamnation sur la base de preuves certaines. Au XVIe siècle, l’appel romain est en vigueur dans tout le royaume. L’ordonnance de 1670 (cf. infra) institue même l’appel automatique au-delà d’un certain seuil de gravité de la peine (disposition qui s’explique par la volonté politique de placer sous le contrôle et l’influence modératrice des Parlements, toute l’activité des juridictions inférieures, en matière criminelle).

    <o:p> </o:p>

    Alors que le régime des preuves et que les voies de recours se transforment sous l’impulsion du dt romain adapté par la doctrine et récupéré par la pratique, l’ensemble de la procédure évolue vers le modèle inquisitoire. Cette évolution conduit en pratique à distinguer 2 voies : l’ordinaire et l’extraordinaire.

    <o:p> </o:p>

    § 3 -  Procédure ordinaire et extraordinaire<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>Dès la seconde moitié du XIIIe siècle, on voit réapparaître la vieille distinction romaine entre l’ordinaire et l’extraordinaire :

    <o:p> </o:p>Rappel :

    -         procédure ordinaire : en vigueur devant les jurys républicains pour réprimer les délits publics de l’ordo judiciorum publicorum – incriminés par les lois républicaines – champ ordinaire du dt pénal public ® procédure de type accusatoire

    -         procédure extraordinaire : cognitio extra ordinem  en vigueur devant les juridictions impériales pour réprimer les délits publics incriminés par les lois impériales, relevant du champ extraordinaire du dt pénal public ® procédure de type inquisitoire permettant au juge de procéder d’office contre les auteurs sans attendre une accusation de la victime.

    <o:p> </o:p>1° -  La voie ordinaire

    <o:p> </o:p>Au XIIIe siècle, la voie ordinaire de type accusatoire reprend les grands traits de la procédure romaine de l’ordo : accusation formelle (faite par écrit), serment de calomnie prêté par l’accusateur, avec rétorsion de la peine à l’encontre du calomniateur (qui invente de fausses charges), publicité, oralité des débats, principe de la représentation par un avocat.

     C’est une procédure très proche de la procédure civile : les parties produisent leurs preuves à l’audience publiquement, les avocats plaident et la sentence est rendue. Tout est public et contradictoire.

    Champ d’application de cette procédure : le « petit criminel », infractions mineures n’emportant pas de peines afflictives.

    Pas de recours à la question (seulement en cas de crime capital, donc dans le cadre de la voie extraordinaire).

    <o:p> </o:p>

    -  La voie extraordinaire

    <o:p> </o:p>Elle est réservée à la répression des crimes les plus graves, qui sont censés troubler l’ordre public. Dans ce cas, si la victime saisit la justice, elle n’agit plus comme accusateur mais comme plaignant. Sa plainte ne sert qu’à mettre l’action publique en mouvement. Ensuite, la conduite du procès lui échappe : c’est le juge qui est maître du procès. Si la victime ne se manifeste pas , le juge lui-même – ou par l’intermédiaire du Ministère public – peut agir d’office.

    On est bien dans un schéma procédural de type inquisitoire, qui présente trois traits distinctifs par rapport à la voie ordinaire :

    -         le recours à la question (crimes capitaux)

    -         l’absence de représentation (ni avocat, ni procureur pour l’assister)

    -         le secret ( notamment dans la phase  d’instruction)

    <o:p> </o:p>

    Les caractères des deux procédures se fixent progressivement aux XIVe  et XVe siècles dans la pratique judiciaire, avant d’être définitivement consacrés par l’ordonnance criminelle de 1670.

    <o:p> </o:p>

    SECTION II   LA PROCÉDURE

    D’ APRÈS L’ORDONNANCE CRIMINELLE DE 1670

    <o:p> </o:p><o:p>
    </o:p>

    La procédure médiévale, issue de la pratique judiciaire, est partiellement reprise dans deux ordonnances qui constituent les précédents de la grande ordonnance de 1670.

    -         ordo de Blois (1498)

    -         ordo de Villers-Cotterêts (1539)

    <o:p> </o:p>

    L’ordo de 1670, loin de les remettre en cause, les confirme et les complète.

    Ce texte est un monument de l’histoire de la justice :

    -         parce qu’il fixe le droit procédural en mat. criminelle jusqu’à la révolution

    -         parce qu’il inspire le Code d’instruction criminelle de 1808 qui y puisera largement (à l’instar des autres codifications napoléoniennes, ce code est une œuvre de transaction, de compromis, entre l’ancien droit et le droit révolutionnaire)

    <o:p> </o:p>

    Il n’est pas l’œuvre d’un seul homme, mais le Conseiller d’Etat PUSSORT – oncle de Colbert – en est le « père » : il a rédigé le mémoire qui servit de base à l’élaboration du projet d’ordonnance.

    Quant au contenu, l’ordo décompose le procès criminel en 5 phases successives :

    <o:p> </o:p>

    § 1Mise en mouvement de l’action publique

    <o:p> </o:p>Elle peut résulter :

    <o:p> </o:p>1° -  D’une dénonciation<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>Acte par lequel un particulier informe le procureur du roi (min. public) qu’un crime a été commis.

    <o:p> </o:p>

    2° -  D’une plainte<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>Elle peut émaner :

    -         soit de la partie privée (la victime ou ses proches)

    -         soit de la partie publique (le proc. du roi)

    <o:p> </o:p>Elle consiste à informer le juge du crime, afin d’en poursuivre la réparation.

    La partie privée peut porter plainte à raison de n’importe quel crime / la partie publique ne peut porter plainte qu’à raison des crimes majeurs, passibles de peines afflictives.

    Distinction très importante à faire :

    <o:p> </o:p>-         crimes majeurs : le Min. public a l’obligation de poursuivre « nonobstant toutes transactions faites par les parties ». Le modèle conciliatoire n’ayant jamais disparu, malgré les progrès du modèle répressif, on continue à transiger en matière pénale, et l’ordonnance en prend acte. ® la transaction éventuelle est alors sans effet sur les poursuites, elle n’interrompt pas l’action publique.

    -         crimes mineurs : les transactions sont valables et interrompent l’action publique. Dans ce cas, on estime que l’ordre public n’est pas profondément troublé et l’on abandonne au plaignant l’initiative des poursuites (il peut choisir de poursuivre le délit devant la justice publique – la voie judiciaire – mais s’il opte pour la conciliation (transaction), on ne lui imposera pas le modèle répressif (la voie des tribunaux).

    <o:p> 
    </o:p>

    3° -  De la poursuite d’office par le juge<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>L’institution du min. public n’a pas privé les juges du siège du dt de poursuivre d’office. En cas de négligence, défaillance du proc. du roi, il revient au juge du siège d’exercer l’action publique.

    <o:p> </o:p>

    § 2L’instruction préparatoire

    <o:p> </o:p>

    Elle est confiée à un juge du siège (juge « instructeur ») et se décompose elle-même en plusieurs phases :

    <o:p> </o:p>

    1 – recueillir les procès verbaux et les rapports relatifs à l’affaire (ceux de la maréchaussée, des médecins  et chirurgiens en cas de dommages corporels) pour établir le « corps du délit » (son existence matérielle)

    <o:p> </o:p>

    2 – l’information : audition des témoins par le juge instructeur (entendus séparément et secrètement, dépositions consignées par un greffier sur le cahier d’information)

    Si les témoignages sont insuffisants, le juge peut recourir aux monitoires.

    <o:p> </o:p>

    3 -  Les monitoires à fin de révélations : lettres que le juge laïc obtient de l’évêque, qui invitent les fidèles à révéler ce qu’ils savent du crime, sous peine d’excommunication contre ceux qui garderaient le silence. Elles sont publiées, placardées sur les portes des églises et sur les places publiques.

    <o:p> </o:p>

    4 -  les décrets : ordonnance rendue par le juge instructeur

    -         soit pour ordonner la mise en détention, dans les cas les plus graves ( décret de prise de corps)

    -         soit pour convoquer l’accusé devant le juge instructeur afin de procéder à l’interrogatoire (décret d’assigné pour être ouï)

    <o:p> </o:p>

    5 -  L’interrogatoire de l’accusé<o:p></o:p>

    Trois règles s’imposent au juge dans la conduite de l’interrogatoire :

    -         l’accusé doit prêter serment de dire vérité

    -         l’accusé doit répondre seul, sans l’assistance d’un conseil

    -         le juge ne doit user d’aucune ruse, d’aucune manipulation, d’aucune promesse fallacieuse pour provoquer la manifestation de la vérité

    <o:p> </o:p>

    L’interrogatoire terminé et signé, le juge choisit la voie procédurale à suivre :

    -         la voie ordinaire pour les infractions mineures, lorsque l’instruction a révélé des charges insuffisantes (la procédure suivie dans ce cas est orale, publique, contradictoire ce qui suppose l’assistance d’un avocat).

    -         La voie extraordinaire pour les crimes (infractions graves) si l’instruction a révélé des charges suffisantes (la procédure est ici écrite, secrète, sans représentation). Dans ce cas, l’instruction préparatoire doit être complétée par de nouvelles investigations, dans le cadre de l’instruction définitive.

    <o:p> </o:p>

    § 3 -  L’instruction définitive<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    L’instruction définitive se décompose en deux temps :

    <o:p> </o:p>

    1° -  Le récolement<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Il s’agit de la réitération (toujours secrète) devant le juge instructeur des dépositions des témoins. Le juge les convoque, lit leur première déposition et leur demande s’ils veulent la modifier.

    C’est une procédure écrite qui a pour effet de fixer définitivement le témoignage.

    Conséquence de cette « immobilisation » du témoignage : l’ordonnance prévoit d’appliquer les peines du faux témoignage au témoin qui se rétracterait sur une allégation importante après le récolement.

    <o:p> </o:p>

    2° - La confrontation<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    L’accusé est confronté aux témoins qui ont déposé contre lui. Cette confrontation permet :

    -         aux témoins de reconnaître l’accusé et de confirmer son identité

    -         à l’accusé de connaître le contenu des charges qui pèsent contre lui (dont il était jusque là tenu dans l’ignorance), et de récuser les éventuels témoins reprochables, les juges décidant ensuite de la recevabilité des reproches lors de l’examen du procès au fond.

    <o:p> </o:p>

    Après le récolement et la confrontation, le procès est instruit.

    Les pièces sont transmises à la partie publique (le ministère public / procureur du roi) qui doit donner ses conclusions définitives :

    -         conclusions dans le sens d’un jugement définitif : d’absolution (équivalent de notre acquittement) ou de condamnation

    -         conclusions dans le sens d’un jugement interlocutoire ordonnant à l’accusé de faire la preuve d’un élément de défense présenté lors de l’interrogatoire, ou ordonnant que l’accusé soit soumis à la question préparatoire.

    Ces conclusions sont remises cachetées au greffe avec l’ensemble des pièces. Le dossier est alors transmis à un juge rapporteur qui doit en faire la synthèse devant les magistrats du siège (en pratique le rapport était fait par le juge instructeur en raison de sa parfaite connaissance du dossier).

    Après le rapport, le tribunal prend connaissance des conclusions du ministère public.

    Enfin, l’accusé comparaît pour son dernier interrogatoire devant le tribunal assemblé.

    Pour subir cet interrogatoire, l’accusé est placé en contrebas du tribunal sur un petit tabouret de bois : la « sellette ». C’est là qu’il va présenter seul sa défense, faisant valoir d’éventuels faits justificatifs, pour être ensuite admis à les prouver en obtenant du tribunal un jugement interlocutoire à cette fin.

    <o:p> </o:p>

    Question : peut-il vraiment présenter une défense utile ?<o:p></o:p>

    -         il est sur la sellette dans une position inconfortable, humiliante, dominé physiquement par ses juges qui le rappellent sans cesse à l’ordre s’il se lève (réflexe normal de celui qui essaie de faire valoir ses arguments…)

    -         il est seul, sans avocat (il n’en a d’ailleurs jamais eu, y compris pendant la phase d’instruction).

    <o:p> </o:p>

    Pourquoi cette exclusion des avocats au grand criminel ?

    Réponse dans les débats qui ont précédé l’élaboration de l’ordonnance de 1670. Elle est officiellement motivée par un souci d’équité :

    - seuls les puissants, les riches auront accès à une défense de qualité (coûteuse) au détriment des plus démunis.

    - on pense également que la conscience professionnelle des magistrats dans la conduite de l’interrogatoire compense l’exclusion des défenseurs.

    - Il y a aussi (surtout) une raison officieuse : la crainte de voir d’habiles avocats démonter tout le travail de l’instruction, en mettant l’accent sur la faiblesse des preuves, en multipliant les reproches à l’encontre des témoins. Or, les preuves décisives n’abondaient pas, et il fallait assurer un nombre de sentences convenables pour les besoins de la répression et de l’exemplarité.

    <o:p> </o:p>

    L’interrogatoire terminé, un jugement peut être rendu.

    <o:p> </o:p>

    § 4 -  Les jugements<o:p></o:p>

    <o:p>
    </o:p>

    Le jugement rendu après l’interrogatoire de l’accusé n'est pas forcément un jugement définitif de condamnation ou d'absolution ; ce peut être un jugement interlocutoire.

    <o:p> </o:p>

    A/ Les jugements interlocutoires<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    1)      les jugements qui autorisent l'accusé à faire la preuve des faits justificatifs<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Il faut entendre par fait justificatif tout fait de nature à justifier l'acte délictueux et donc susceptible d'atténuer ou de supprimer la responsabilité de l'auteur.

    Ex /  Il existe des justifications objectives : la légitime défense, l'état de nécessité, la provocation par adultère

    Ex / des justifications subjectives : la démence, l’âge, l'ivresse, le somnambulisme, la surdimutité... (cf. les facteurs d’atténuation et d’aggravation, pris en compte par le juge dans le cadre de l’arbitrage des peines)

    <o:p> </o:p>

    2)      les jugements ordonnant de soumettre l'accusé à la question<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Est-ce que l'ordonnance de 1670 a fait évoluer le droit sur ce thème ?

    <o:p> </o:p>

    -  S'agissant des conditions de recours rien de nouveau : l'ordonnance se contente de mettre en forme la pratique et de confirmer que la question ne doit s'appliquer que s’il existe des indices considérables, pour les crimes capitaux. (cf. Textes originaux, ordonnance de 1670, Titre XIX, art 1er )

    <o:p> </o:p>

    - Elle distingue entre question préparatoire et question préalable. La question préparatoire est celle qui est destinée à obtenir l'aveu de l'accusé. La question préalable suppose qu'il y ait déjà eu condamnation, le procès est terminé, il s'agit ici d'obtenir du condamné - avant son exécution - des renseignements sur ses complices. C'est la nouveauté de l'ordonnance. (Tit. XIX, art. 3)

    <o:p> </o:p>

    - Rien de nouveau non plus sur les modalités de la question et c'est une grande lacune de l'ordonnance. PUSSORT qui est le père de l'ordonnance s'est toujours opposé à une telle réglementation au motif que des descriptions de cette sorte seraient indécentes dans un texte législatif. C’est une lacune car l’application de la question par les juridictions inférieures donnait lieu à de graves abus : nombreux sont ceux qui ont conservé des séquelles, des lésions durables ou définitives.

    <o:p> </o:p>

    Ex / En 1695, le premier président de Harlay passant à Saint-Pierre-le-Moutier, où la torture se donnait par extension, apprit qu’un homme était mort et qu’une femme avait eu le poignet arraché à cause de l’énormité des poids utilisés ; après enquête, ce procédé fut interdit, et le Parlement de paris, par arrêt de 1697, n’admit plus dans son ressort que la question par l’eau ou par les brodequins, cette dernière étant jugée moins dangereuse par les médecins.

    <o:p> </o:p>

    → exemple de l’action modératrice des parlements : il intervient ici par voie d’arrêt de règlement (disposition de portée générale – acte « normatif » et non décision de justice – limitée au ressort du Parlement qui en a l’initiative et qui vise à combler les lacunes / silences de la loi. La disposition est obligatoire dans le ressort du parlement et tant que la loi n’est pas intervenue dans le domaine réglementé.)

    <o:p> 
    </o:p>

    -  La première grande innovation de l'ordonnance est l'appel obligatoire devant le Parlement des jugements interlocutoires ordonnant le recours à la question. A cause de tous les abus (dans l’appréciation des conditions ou dans les modalités), la royauté veut mettre en place une politique de contrôle des juridictions inférieures par les Parlements. À partir de 1670 cette action modératrice s'exerce systématiquement, c'est une des causes de la disparition progressive de la torture au XVIIIème siècle. Le parlement va infirmer de plus en plus souvent les jugements interlocutoires rendus par les juridictions inférieures et ordonnant le recours à la question (ce qui conduit progressivement à la disparition de la question).

    <o:p> </o:p>

    - La seconde grande innovation est la question avec réserve des preuves, mais le système prévu par l’ordonnance présente des faiblesses.

    La question avec réserve des preuves,<o:p></o:p>

    les faiblesses du système<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>Rappel de l’évolution

    <o:p> </o:p>Jusqu’au XVIe siècle, la question purge les indices : faute d’aveu – et donc de preuve complète – les indices « considérables » ayant motivé le recours à la question (cf. les conditions de la question) sont effacés, purgés. Les présomptions résultant des indices disparaissent : l’accusé peut être absous (acquitté). Le juge ne peut pas les apprécier pour se fonder une intime conviction (système objectif et non subjectif).

    A partir du XVIe siècle, on commence à pratiquer la question avec réserve des preuves : faute d’aveu, les indices sont « réservés » (entendez : conservés pour fonder une condamnation), et sur la base de cette « demi-preuve » (il ne s’agit que de présomptions au regard de la théorie des preuves légales), on condamne à une peine mitigée (adoucie) → cf. schéma[1].

    L’ordonnance de 1670 légalise cette pratique : voyez le titre 19, art. 2[2].

    <o:p> </o:p>Faiblesses du système

    <o:p> </o:p>On compense l’insuffisance de la preuve par la mitigation de la peine. C’est la force probante qui détermine l’intensité de la peine et donc le degré de responsabilité. Or, si l’on peut concevoir un arbitrage de la peine en fonction du degré de responsabilité, il faut que celui-ci résulte de l’appréciation des faits (évaluation des paramètres objectifs ou subjectifs de l’infraction[3] , facteurs qui tendent à atténuer ou à effacer toute responsabilité : ex/ démence, âge, sexe, légitime défense…) et non des caractères de la preuve.

    Si l’accusé est reconnu coupable (hypothèse d’une responsabilité totale, sans élément d’atténuation), que cette conviction résulte d’un aveu ou de présomptions graves (les indicia ad torturam), pourquoi ne pas appliquer la même peine, c’est à dire la mort ?

    Le raisonnement est défaillant, mais il existe une explication à cette indigence.

    <o:p> </o:p>La question avec réserve des preuves s’inscrit dans un contexte particulier : elle correspond à une phase transitoire de l’évolution du régime des preuves. On est en train de passer du système des preuves légales à celui de l’intime conviction. Car c’est bien la conviction du juge qui se substitue progressivement à l’exigence d’une preuve complète, lorsque des indices « considérables » – librement appréciés par le juge – suffisent à fonder une condamnation ; l’élément subjectif s’immisce dans un système probatoire jusque là dominé par l’objectivité (la preuve complète ou parfaite répond à une définition précise et objective[4]).

    <o:p> </o:p>Mais dans le système transitoire de la question avec réserve des preuves, on veut essayer de concilier ce qui ne l’est pas : preuve légale (objective) et intime conviction (subjective). Ainsi s’expliquent les incohérences du raisonnement (combinaison de deux systèmes incompatibles).

    <o:p> </o:p>En effet,:<o:p>
    </o:p>

    soit on conserve la théorie des preuves légales dans toute sa rigueur, ce qui suppose :

    -         le recours à la question (pour obtenir un aveu)

    -         l’application de la peine prévue si la culpabilité est reconnue (et qu’il n’existe par ailleurs aucun facteur d’atténuation de responsabilité) : la mort

    <o:p> </o:p>

    soit on renonce à la preuve certaine au profit de l’intime conviction, ce qui suppose :

    -         l’abandon de la question, car si l’on peut condamner sur la base d’indices « considérables » emportant la conviction du juge, le recours à la question devient inutile car l’aveu n’est plus nécessaire.

    -         L’application de la peine prévue (la mort), si la culpabilité est reconnue sur la base des seuls indices : la sévérité de la peine ne doit pas dépendre de la nature de la preuve, dès lors que la culpabilité est reconnue.

    <o:p> </o:p>

    En somme, l’incohérence du système dit « de réserve des preuves » résulte à la fois :

    -         de la survivance de la question

    -         de la mitigation de la peine en cas de résistance aux tourments, donc de preuve incomplète (faute d’aveu)

    <o:p> </o:p>

    Cette construction qui n’est juridiquement pas viable, va d’ailleurs tomber en désuétude au cours du XVIIIe siècle, alors que disparaît en pratique le recours à la question.

    La disparition de facto  (parce qu’inscrite nulle part) de la question s’explique donc par :

    <o:p> </o:p>1) le contrôle – et l’influence modératrice – des parlements sur les juridictions inférieures, par le biais de l’appel systématique des jugements interlocutoires ordonnant le recours à la question[5] (le Parlement infirme de plus en plus souvent ces jugements, et condamne le recours à la question)

    2) l’érosion progressive du système des preuves légales au profit de l’intime conviction du juge. Si ce dernier peut apprécier les indices pour fonder une condamnation : plus besoin d’aveu, donc plus besoin de question.

    <o:p> </o:p>

    B/  Les jugements définitifs <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Ce  sont des jugements d'absolution ou de condamnation.

    <o:p> </o:p>

    Il existe deux types de jugements d'absolution :

    -         la décharge d’accusation : absolution complète qui emporte la condamnation du plaignant aux dépens et à des dommages et intérêts en faveur de l'accusé

    -         le renvoi hors de cour qui laisse planer un doute sur l'innocence de l'accusé et ne permet pas de condamner le plaignant aux dépens ni DI (sorte d’acquittement au bénéfice du doute)

    <o:p> </o:p>

    Sur les jugements de condamnation il faut simplement préciser qu’ils ne sont pas motivés. On y retrouve souvent l'expression « condamné pour les cas résultant du procès », sans autre explication. Les Parlements vont exiger par la suite des juridictions inférieures qu’elles précisent au moins la nature du crime pour lequel la condamnation est prononcée. L'ordonnance ne dit rien sur ce point.

    Louis XVI tentera de corriger cette lacune en 1788, par une déclaration royale, exigeant que les jugements et arrêts en matière criminelle soient motivés (il est un peu tard, trois ans après, l’organisation judiciaire et la procédure sont entièrement reconstruites sur des bases nouvelles)

    <o:p> </o:p>

    § 5 -  Les voies de recours<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    L'ordonnance institue l'appel obligatoire contre toute sentence portant une condamnation à une peine lourde : sont précisément concernées les peines corporelles, de galère, de bannissement perpétuel et d’amende honorable (l’accusé en chemise doit demander pardon « à Dieu, au Roi, à la Justice » devant la maison de sa victime ou sur le parvis de l’église en tenant une torche de cire dont le poids est proportionnel à la gravité de sa faute).

    <o:p> </o:p>Dans tous ces cas, la condamnation doit être confirmée par le Parlement, que le condamné ait fait appel ou non[6].

    <o:p> </o:p>Comme pour les jugements interlocutoires de question, il s’agissait de placer toute l'activité répressive des juridictions inférieures sous le contrôle et l'influence modératrice des Parlements. <o:p></o:p>

    <o:p> 
     </o:p>

    CONCLUSION<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Toutes les transformations procédurales qui sont à l'œuvre depuis le XIIème siècle vont de pair avec la lutte constante du pouvoir contre les modes de règlement privé des litiges et notamment les transactions pénales. Le modèle répressif exige de l'État qu'il prenne en charge tout l'ordre public ; la justice royale doit se donner les moyens de réprimer sur un mode public l’ensemble de la criminalité, une exigence résumée par l’adage « tout délinquant offense la chose publique », ce qui signifie que tout délinquant mérite une punition publique alors même qu'il aurait transigé avec sa victime. L'indemnisation apaise la victime mais ne satisfait pas la société.

    C’est la raison pour laquelle la royauté a toujours lutté contre les transactions pénales, en particulier lorsqu’elles concernent des crimes graves comme l’homicide.

    <o:p> </o:p>→ Exemples : abrogation de la coutume de Tournai qui autorisait les habitants à conclure des pactes de paix en cas d'homicide. Louis IX y voyait là une mauvaise coutume, et prend l'habitude de façon assez régulière de vérifier les coutumes du Royaume et de les abroger lorsqu'elles sont contraires aux bonnes mœurs et à la justice. Idem pour la coutume de Gascogne qui permettait au meurtrier d’échapper à toute peine publique en versant à la famille une composition de 300 sous.

    <o:p> </o:p>Rappelons également que l’ordonnance de 1670 réitère fermement l’interdiction de transiger en cas de crime majeur ; dans ce cas, la transaction n’interrompt pas l’action publique. Elle tolère en revanche les transactions en cas de crimes mineurs (la transaction interrompt l’action publique, laissant à la partie privée l’initiative des poursuites).

    Néanmoins on va se heurter à des résistances plus ou moins durables : traces de transactions pénales en plein Paris au XVIIème siècle. Sous le règne de Louis XIV elles tendent à disparaître, ce qui s’explique par une meilleure organisation de la Police, qui appréhende plus efficacement les délinquants. On en retrouve sous Louis XV en Auvergne et dans le Languedoc : on transige par acte notarié sur des crimes mineurs – injures, violences sans gravité – et plus rarement sur des homicides. Il peut paraître curieux que, malgré l’interdiction prévue par l’ordonnance, les notaires n’hésitent pas à dresser acte de ces transactions, lorsqu’elles portent sur des homicides (c’est par le biais des registres notariés que l’on sait que ces pratiques se sont perpétuées).

    <o:p> </o:p>Toujours en lutte contre ces modes privés de règlement des conflits l’Etat – la justice du roi – entend assumer sa mission : la répression. Le modèle conciliatoire, à finalité indemnitaire, doit céder la place au modèle répressif qui exige l’application de peines publiques à la fois répressives et dissuasives.

    <o:p> </o:p>→ cf. Chapitre 3

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>



    [1] Dossier « schémas 2ème partie », sous-dossier « chap. 2 », sous-dossier « Question avec ou sans réserve des preuves », fichier « Question avec réserve des preuves »<o:p></o:p>

    [2] Dossier « textes originaux », sous-dossier « ordonnance de 1670 – question », fichier « titre 19, art. 1 à 7 »<o:p></o:p>

    [3] Cf. infra. Chap. 3 (La politique pénale), section 3 (Les pouvoirs du juge dans le choix de la peine).<o:p></o:p>

    [4] preuve complète = 1aveu + des indices considérables<o:p></o:p>

                                                           ou<o:p></o:p>

                                      les témoignages concordants de 2 témoins idoines<o:p></o:p>

    [5] Cf. Ordonnance de 1670, tit. 19, art. 7 (références en note 2)

    [6] Titre XXVI, art. VI : « Si la sentence rendue par le juge des lieux porte condamnation de peine corporelle, de galères, de bannissement à perpétuité, ou d’amende honorable, soit qu’il y ait appel ou non, l’accusé et son procès seront envoyés ensemble et sûrement en nos cours ».


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    Section 3 

        Les pouvoirs du juge dans le choix de la peine<o:p></o:p>

        Arbitrage des peines / Arbitraire des juges<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    Thème vilipendé par la philosophie des Lumières, déformé par la propagande révolutionnaire, l’arbitraire est d’abord une notion juridique, un principe de base de l’ancienne justice pénale. Il s’agit moins d’arbitraire que d’arbitrage, le juge ayant le pouvoir de choisir dans chaque affaire la sanction la plus adaptée « aux exigences du cas », suivant un principe emprunté au droit romain (§ 1). Enfin, l’arbitraire n’est ni la fantaisie, ni la puissance capricieuse, ni l’exutoire des fantasmes de juges tyranniques. Il s’exerce dans un cadre précis, connaît des limites et ne tourne pas nécessairement au désavantage de l’accusé (§ 2). Il connaît enfin une exception remarquable dans le cas particulier de l’homicide (§3).<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    § 1 – Le fondement de l’arbitraire<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Les docteurs médiévaux l’ont trouvé dans le fragment d’Ulpien inséré au Digeste, la loi « Hodie » (déjà citée à propos des pouvoirs du juge dans le choix de la peine au début de l’Empire) : « Aujourd’hui, il est permis à celui qui connaît d’un crime par la voie extraordinaire de prononcer la sentence qu’il veut, plus lourde ou plus légère à condition que dans l’un ou l’autre sens il ne dépasse pas la mesure ». Ce texte, situé entre deux périodes de fixité et de légalité des peines (République – Dominat / Bas-Empire), ne permettait aux juges d’arbitrer la peine qu’à l’égard des crimes extraordinaires (relevant de la cognitio extra ordinem au temps du Principat), pour lesquels le droit romain n’indiquait pas de peine précise (la portée du texte était donc limitée, puisqu’il ne pouvait s’étendre aux incriminations assorties de peines fixes : ex / lois de la République). Le texte a néanmoins servi de base à toute la théorie médiévale des peines arbitraires. La doctrine l’a adapté en étendant sa portée, afin que même en présence d’un texte précis (coutume, charte municipale, ordonnance prévoyant une peine), le juge soit toujours en mesure d’augmenter ou de diminuer cette peine. Pour autant, le pouvoir du juge n’est pas sans limite ; il doit, selon les propres termes d’Ulpien « ne pas dépasser la mesure ». La peine doit donc être « mesurée », mais sur quoi ?<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p>
    </o:p>

    § 2 – Les limites de l’arbitraire<o:p></o:p>

     

    <o:p> </o:p>Le pouvoir d’arbitrage reconnu au juge s’exerce dans un cadre précis. A l’intérieur de ce cadre le rôle du juge n’en est pas moins considérable. Il doit peser l’acte coupable avant de déterminer la sanction la plus juste, avant d’arbitrer la peine (afin de prononcer la peine la plus adaptée aux « exigences du cas »).<o:p></o:p>

    Ce qui suppose deux opérations intellectuelles distinctes : prise en considération des « paramètres » de l’infraction / détermination de la peine en fonction de ces paramètres.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    A – Peser l’acte coupable<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Le juge doit rechercher toutes les circonstances de l’acte, analyser tous les paramètres de l’infraction. Ce sont ces circonstances, objectives et subjectives, causes de mitigation ou d’aggravation, qui l’aident à fixer le niveau de la peine. La liste de ces causes n’a cessé d’augmenter sous la plume des pénalistes du XIVe au XVIIIe siècle, de manière circonstancielle et pragmatique, sans essai de classification, d’abstraction (démarche casuelle). On y trouve pêle-mêle :<o:p></o:p>

    -         en faveur de l’accusé : la jeunesse, la vieillesse, l’appartenance au sexe féminin, l’absence de volonté coupable mais aussi, selon Tiraqueau[1], des éléments très fantaisistes au regard des critères contemporains de la responsabilité pénale → le scandale que soulèverait sa condamnation, sa nombreuse famille, sa honte devant son crime, ses bons antécédents, les services rendus à l’Etat…<o:p></o:p>

    -         contre l’accusé : les liens existant entre l’accusé et sa victime (familiaux, domestiques), la récidive, l’appartenance à la noblesse, l’atrocité du crime…<o:p></o:p>

    Pour les pénalistes, la fixité des peines n’est pas envisageable car il n’y a pas deux infractions semblables. Un travail de décodage de l’infraction puis de modulation de la  sanction est nécessaire.<o:p></o:p>

    Cependant leur vision très concrète, très circonstancielle de la responsabilité pénale n’a jamais permis l’élaboration d’une théorie générale. Il serait par conséquent inopportun et anachronique d’essayer de transposer pour l’ancien droit les catégories abstraites du droit contemporain de la responsabilité pénale. Faut-il pour autant renoncer à toute tentative de synthèse ? Il existe des constantes, dégagées par la doctrine pour guider le choix des juges, et qui permettent de rendre compte de certains facteurs de mitigation ou d’aggravation de la peine.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    1° - Les facteurs de mitigation<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    a)      l’élément intentionnel

    <o:p> </o:p>

    C’est encore une fois le double influence du dt romain et du dt canonique qui a fait évoluer le dt médiéval. Un rapide examen des différentes sources du droit permet de mesurer l’absence de règle générale.<o:p></o:p>

    Dt romain : l’intention est la mesure des méfaits. La doctrine retrouve cet adage qui invite le juge à prendre en considération l’intention de l’auteur et non le seul résultat matériel de l’acte (« in maleficiis voluntas spectatur, non eventus »).<o:p></o:p>

    Dt canonique : il définit le péché, et donc le crime, comme un acte essentiellement volontaire.<o:p></o:p>

    Le dt coutumier prend en considération l’élément intentionnel, sans en tirer toutes les conséquences :<o:p></o:p>

    -         dans certaines coutumes, c’est le résultat matériel de l’infraction qui demeure décisif (on ignore la volonté coupable).<o:p></o:p>

    -         ailleurs, la coutume prévoit que l’infraction doit avoir été commise en connaissance de cause (ex / blessure commise lors d’un jeu, sans intention de nuire → pas de condamnation)<o:p></o:p>

    -         pourtant ce même dt coutumier n’en tire pas toutes les conséquences, lorsqu’il ignore la tentative ou qu’il la punit moins sévèrement que l’acte consommé.<o:p></o:p>

    La doctrine s’est élevée contre ce système en invitant les juges à sanctionner de la même manière la tentative et l’acte consommé. <o:p></o:p>

    La jurisprudence n’a pas suivi sur ce point, faisant preuve d’indulgence dans la répression de la tentative. Une exception toutefois : celle des crimes « atroces » (cf. infra 2°, a), comme le crime de lèse-majesté, dont la tentative est punie aussi lourdement que l’acte consommé (voyez le cas du régicide Damiens).<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    b)  les cas de non imputabilité (ou d’imputabilité « atténuée»)<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    · la démence et les états voisins de la démence (somnambulisme, surdi-mutité, ivresse), sauf dans le cas du crime de lèse-majesté (répression dérogatoire au dt commun : les cas de non-imputabilité n’exonèrent pas l’auteur).

    L’ivresse n’efface pas complètement la responsabilité ; elle n’est qu’un facteur d’atténuation.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    · le bas âge : l’ancien droit s’inspire ici du droit romano-canonique avec des nuances d’âge assez complexes (de l’irresponsabilité totale - avant 7 ans - à la responsabilité atténuée, entre 7 et 25 ans), sauf pour les crimes atroces (lèse-majesté, assassinat, parricide), car l’atrocité du crime suspend les règles ordinaires de la responsabilité.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    · le cas de la vieillesse est envisagé en pratique sous l’angle du discernement, et donc de la démence (ex / le vieillard qui a toutes ses facultés est condamné comme étant pleinement responsable, alors que le juge tiendra compte d’une éventuelle déficience mentale pour mitiger la peine).

    <o:p> </o:p>

    Remarque : le choix de la peine – lorsqu’il s’agit d’une peine corporelle –  est aussi conditionné par la faiblesse physique du coupable. Les juges évitent, dans ce cas, d’infliger des supplices trop rigoureux dont les conséquences, compte tenu de cette faiblesse, seraient excessives et disproportionnées par rapport à l’infraction.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    · le sexe féminin : La fragilité des femmes (imbecillitas sexus)  – entendez la faiblesse naturelle de leur esprit, l’absence de discernement et de volonté – est considérée par la doctrine comme une cause d’atténuation de responsabilité pénale.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    « Les femmes sont douées de moins de raison que les hommes. (…) Il est donc logique que les femmes soient moins gravement châtiées au cas d’infraction. (…) Dieu a donné la raison aux hommes afin de vaincre leurs passions et leurs émotions. Mais, dans les animaux, il n’existe aucune raison (…) Aussi, leurs actions ne sont-elles pas imputables. Donc, pour en venir à notre propos, dans la mesure où les hommes sont doués de plus de raison que les femmes, grâce à quoi ils peuvent virilement résister aux incitations des vices et - pour parler comme les théologiens - résister aux tentations, il est équitable de punir avec plus de clémence les femmes ; mais il ne convient pas de leur accorder une totale impunité, comme aux animaux, puisque ceux-ci sont tout à fait privés de raison, tandis que les femmes en ont quelque peu. » (Tiraqueau, De poenis temperandis, cause 9)

    <o:p> </o:p>

    La jurisprudence n’a pas suivi la doctrine sur ce point : il n’y a, dans les décisions des juges, aucun principe général d’atténuation en faveur des femmes (certains ont suivi cette doctrine, d’autres l’ont rejetée)

    <o:p> </o:p>

    c)      les cas justificatifs<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Ce sont des causes objectives d’exonération de la sanction, qui effacent le crime.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    · la légitime défense : conçue comme une riposte qui doit être immédiate (avec cette particularité pour l’homicide que ce n’est pas le juge qui exonère l’auteur mais le roi → l’homicide commis en état de légitime défense est dit « rémissible » : il peut faire l’objet de lettres de rémission / cf. § 3).<o:p></o:p>

    · la provocation par adultère qui excuse l’homicide de la femme adultère commis par son père ou son mari (règle empruntée au droit romain qui permettait au père de la femme adultère de la tuer ainsi que son complice s’il les surprenait en flagrant délit ). Le fait justificatif a été étendu au mari par le droit coutumier puis par la jurisprudence.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    · la provocation par injures qui permet de riposter aux injures verbales ou voies de fait en toute impunité (la riposte doit être immédiate, du même type que l’attaque et proportionnée à celle-ci).

    <o:p> </o:p>

    · l’excuse de nécessité dans la répression du vol<o:p></o:p>

    Le droit laïc s’est largement inspiré de la doctrine canonique qui a mis très tôt en balance la vie humaine et les biens matériels ; la valeur de la vie étant supérieure à toutes les valeurs matérielles. C’est à partir de cette évidence que fut élaborée la règle du cas de nécessité, selon laquelle l’hypothèse d’un besoin extrême exclut toute responsabilité à l’encontre de celui qui s’empare pour vivre du bien d’autrui.<o:p></o:p>

    En pratique cependant, les juges introduisent quelques nuances : la pauvreté en cas de vol alimentaire n’est qu’un facteur d’atténuation de la responsabilité (peine très légère), elle peut devenir absolutoire lorsque les circonstances sont dramatiques (ex / famine).<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    L’arbitrage de la peine ne se fait pas toujours dans le sens de l’indulgence. Le juge tient compte de certains facteurs aggravants.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    2° -  Les facteurs d’aggravation<o:p></o:p>

    L’aggravation de la peine peut dépendre des circonstances de l’acte ou de la qualité de l’auteur.

    <o:p> </o:p>a)      les circonstances de l’acte<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>· la récidive : les récidivistes sont considérés comme un danger majeur pour l’ordre social ; ils ne méritent aucune indulgence. C’est la raison pour laquelle ils relèvent de la compétence des prévôts des maréchaux (justice sévère et expéditive).

    La récidive pose un problème technique : comment les reconnaître ? Pas de casier judiciaire (XIXe siècle). Au Moyen Age, ce sont les mutilations qui permettent de les identifier (la mutilation a aussi une fonction de marque comme l’essorillement des voleurs par exemple). A partir du XVIe siècle, ces peines étant de moins en moins infligées, on marque les criminels au fer rouge (ex / une fleur de lys lorsque la condamnation est prononcée par une juridiction royale ; au XVIIIe la marque devient plus explicite → les lettres GAL pour galères, la lettre V pour voleur primaire, VV pour voleur récidiviste…). Enfin les juges vont parfois être amenés à rechercher dans les archives judiciaires des éléments sur le passé criminel des délinquants (les condamnés par contumace notamment qui n’avaient pas été marqués).

    <o:p> </o:p>

    · l’atrocité du crime : notion fréquemment utilisée mais qui n’a jamais été clairement définie. L’atrocité peut néanmoins résulter :

    -         de la nature du crime : sont toujours considérés comme crimes atroces le crime de lèse-majesté et le parricide.

    -         des circonstances qui l’accompagnent : cruauté, sévices…<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    b)      la qualité de l’auteur<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>· la qualité de familier de la victime est une circonstance aggravante (ex / le lien de domesticité) à cause de la confiance trahie → le vol domestique est un vol aggravé puni de mort.

    · la noblesse l’est aussi, au moins jusqu’au XVIe siècle. La place éminente du noble dans la société lui confère une responsabilité sociale – par la vertu de l’exemple (le noble doit toujours donner l’exemple) – qui a pour effet d’aggraver sa responsabilité pénale en cas de défaillance (au-delà du XVIe le juge ne tient plus compte de cette qualité dans l’arbitrage de la peine). <o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Malgré les efforts de la doctrine pour essayer de dégager des règles stables, les juges ne sont pas liés. Ils jouissent en pratique d’une totale liberté pour apprécier les situations délictuelles in concreto, au cas par cas, c’est à dire en tenant compte des paramètres énoncés par la doctrine et en y ajoutant – au besoin – leurs propres éléments d’appréciation en vue d’une meilleure individualisation)[2]. Cette libre appréciation des paramètres de l’infraction constitue en somme un « mode d’évaluation global » qui est le préalable nécessaire à l’arbitrage de la peine.

    <o:p> 
    </o:p>

    B -  Arbitrer la peine<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>Trois limites s’imposent au juge dans le choix de la peine : le respect de l’usage des cours, l’impératif de justice que réclame la loi de Dieu et, à partir du XVIIe siècle, la limite du maximum « légal ».<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    1° -  Limite jurisprudentielle<o:p></o:p>

    Cela ne signifie pas qu’ils sont liés par les décisions de leurs prédécesseurs ; le pouvoir d’arbitrage, qui doit tenir compte de circonstances particulières à chaque crime, s’oppose à la force du précédent.<o:p></o:p>

    Par contre, ils doivent respecter l’usage des cours, qu’on appelle encore coutume jurisprudentielle, en vigueur dans leur ressort ou dans l’ensemble du royaume. A ce titre, les juges doivent respecter les usages relatifs à la forme des supplices et s’abstenir de prononcer des peines « inusitées »[3] (en inventant par exemple de nouveaux châtiments). Les parlements veillent au respect de cette limite, et au-dessus d’eux le Conseil du Roi.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Ex : En 1456, le Parlement de Paris infirme une sentence du Châtelet condamnant un individu à être noyé, au motif que la peine de mort par noyade est tombée en désuétude.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    2° - Limite morale<o:p></o:p>

    La 2e limite procède du modèle chrétien de l’office du juge. Ce modèle qu’ils cultivent et revendiquent depuis le XIVe siècle, en fait des « prêtres de la justice » (c’est ainsi qu’ils se nomment d’après les sources – parlementaires surtout –  de l’époque). Les juges rendent la justice sous le regard de Dieu. Serviteurs de la loi divine, qui leur commande d’être justes, avant d’être serviteurs de la loi positive – serait-ce celle du roi – ils font prévaloir leur conscience chrétienne sur le droit strict (coutumes, statuts, droit écrit, ordonnances du roi) pour juger en équité. Ce devoir de conscience des « prêtres de la justice » trouve sa traduction pénale dans l’arbitrage d’une juste peine, à la fois proportionnée au délit et adaptée au délinquant.

    <o:p> </o:p>

    Deux remarques sur ces notions de peine adaptée et proportionnée :<o:p></o:p>

    -         la finalité de la peine ne change pas. Lorsqu’il recherche une peine adaptée, le juge ne songe pas à guérir, à amender le criminel, mais à le punir (rétribution / dissuasion) aussi justement que possible en fonction des éléments objectifs et subjectifs préalablement dégagés.<o:p></o:p>

    -         L’idée de proportion, contrairement à ce que l’on dit souvent, n’est pas née sous la plume des réformateurs[4] du droit pénal. Elle est formulée par la doctrine traditionnelle et mise en œuvre par le juge.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Cet ajustement de la peine qui sollicite la conscience chrétienne du juge est une forme d’individualisation de la sanction.

    Notons cependant que si la morale chrétienne prévaut sur la loi positive, le juge n’ignore pas complètement le cadre juridique de la loi. Il est borné par l’autorité du roi, source de toute justice.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    3° -  L’autorité du roi<o:p></o:p>

    Question : la législation royale est-elle une limite à l’arbitraire des juges ?<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>Avant le XVIe la question ne se pose pas vraiment, car les ordonnances pénales sont rares. De plus, lorsque le roi s’intéresse à un crime, le texte ne fixe pas précisément le régime des peines. On trouve dans les ordonnances des formules très générales du type « sera puni de corps et d’avoir » (peine corporelle et patrimoniale), ou encore « sera puni selon l’exigence du cas en telle manière que ce soit exemple à tous autres ». → législation pénale imprécise et fragmentaire. Du XIIIe au XVIe l’arbitraire des juges n’est donc pas entravé par la législation royale, soit à cause de ses lacunes, soit à cause de ses imprécisions.

    Après le XVIe, les ordonnances sont plus fréquentes et plus précises en matière criminelle, ce qui s’explique par les prétentions absolutistes du roi et la volonté de maîtriser le traitement de la criminalité, dans sa totalité (cf. la quête du modèle répressif / même phénomène d’inflation du droit pénal à Rome sous l’impulsion de l’empereur au Bas-Empire, en vertu des mêmes prétentions). Dans ce cas, lorsqu’une sanction précise est fixée par une ordonnance, le roi tolère qu’en pratique les magistrats supérieurs (les parlements) puissent prononcer des peines moindres au nom de l’équité (galères ou bannissement par exemple au lieu de la peine de mort → cf. l’injonction de Colbert à propos des galères[5]). L’arbitraire joue ici dans le sens de la modération de la répression. La doctrine, rétive dans un premier temps, a fini par admettre (XVIIe) que les juges ne puissent aller au-delà de la peine fixée[6]. Dès lors, les juges n’osent plus condamner à mort en l’absence d’un texte formel les y autorisant. La prescription de la peine capitale est considérée comme le monopole du roi, tout comme le droit de grâce en est la contrepartie. L’arbitraire trouve ici une limite favorable au délinquant. Il en est une autre, moins favorable en apparence, qui constitue une exception au principe de l’arbitraire.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    § 3 -  Exception à l’arbitraire : fixité de la peine en cas d’homicide<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Il s’agit là d’une exception remarquable à l’arbitraire des juges. « Tout homme qui tue est digne de mort s’il n’a lettre du prince ». Lorsqu’il y a mort d’homme, quelles que soient les circonstances de la mort, les juges doivent prononcer la peine capitaleLe roi seul peut tenir compte de ces éléments pour accorder rémission à l’auteur de l’homicide involontaire ou excusable, ce qui d’ailleurs ne présente aucune difficulté puisque des « lettres de rémission » sont automatiquement accordées (très souvent ce sont même les juges qui, après avoir suspendu le procès, les sollicitent pour l’accusé auprès des petites chancelleries qui sont rattachées au parlement). contre l’auteur de l’homicide. Plus question de peser l’acte coupable ni d’arbitrer la peine : les juges redeviennent des automates sans aucun pouvoir d’appréciation. Ils ne peuvent prendre en considération ni l’absence d’intention coupable (homicide involontaire), ni la légitime défense (homicide volontaire excusable), ni l’excuse de provocation (dans le cas de l’adultère).

    <o:p> </o:p>

    Pourquoi, dans ce cas, ne pas laisser les juges libres d’apprécier les paramètres de l’homicide afin d’en moduler la peine comme pour tous les autres crimes ? La raison est politique.<o:p></o:p>

    La rémission, qui est considérée comme une forme de la grâce (avec les lettres d’abolition et de pardon), permet au roi :

    <o:p> </o:p>- d’intervenir plus souvent dans le cours de la justice déléguée et de rappeler à ses juges qu’ils n’ont qu’une fonction déléguée alors qu’il est toujours, malgré l’étendue de leur pouvoir, « source de toute justice ».<o:p></o:p>

    - de manifester plus souvent sa clémence aux yeux de son peuple. Or, le pardon aux criminels est une manifestation spectaculaire de la miséricorde royale, qui marque les esprits.

    C’est donc le moyen, pour le roi, d’entretenir, de cultiver une image, celle d’un prince juste et miséricordieux, qui respecte cette promesse faite à son peuple le jour du sacre : « faire régner la justice et la paix en faisant preuve de miséricorde ». La grâce, le pardon deviennent des outils de communication et de propagande.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p><o:p></o:p>

    Conclusion    <o:p></o:p>

    Dans le dernier état du droit ancien (sous réserve du cas particulier de l’homicide), la peine était donc choisie d’après le degré de responsabilité suivant un mode global et circonstanciel d’évaluation, parmi les peines en usage, et dans la limite du maximum « légal ». L’arbitraire des juges n’avait donc rien d’un despotisme capricieux ; c’était un pouvoir d’arbitrage limité, encadré, qui a joué le plus souvent dans le sens de la modération de la répression et qui permettait une véritable individualisation de la peine. Il y eut cependant des « bavures ». Au XVIIIe, des sentences odieuses parce qu’excessives sont prononcées (affaire Calas, affaire du Chevalier de La Barre)[7]. Elles ne représentent que quelques causes sur des milliers de procès, et ne sont donc pas représentatives de l’ensemble de la justice pénale d’Ancien Régime. Mais l’opinion s’émeut de ces procès qui deviennent des « affaires », récupérées par les réformateurs du droit pénal (Montesquieu, Voltaire, Beccaria…). Cette doctrine éclairée remet donc en cause l’arbitraire des juges, qui perd toute signification juridique pour devenir synonyme de caprice et d’injustice. A la volonté subjective, capricieuse et imprévisible du monarque et de ses juges, ils veulent substituer l’objectivité, la certitude et la stabilité de la loi. Ils prônent donc la légalité des peines.<o:p></o:p>

    On s’achemine alors vers un complet renversement du système pénal traditionnel où le juge va être réduit à l’application mécanique de peines légales fixes. Mais la fixité des peines, qui est la réponse révolutionnaire à l’arbitraire des juges d’Ancien Régime, n’est qu’un élément parmi d’autres de la grande révolution de la justice.<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>



    [1] Tiraqueau, pénaliste du XVIe siècle, consacre à cette question un ouvrage complet au titre explicite : De poenis temperandis (Des causes qui permettent de tempérer ou de remettre les peines prévues par les lois, les coutumes ou les statuts), 1559.

    [2] L’ancien droit de la responsabilité pénale est variable, incertain, circonstanciel.

    [3] Rappelons que l’arsenal répressif n’était pas unifié en raison d’une législation pénale imprécise et fragmentaire.

    [4] Juristes, philosophes, influencés par la pensée des Lumières et qui sont à l’origine d’une nouvelle doctrine pénale.

    [5] Confronté à une pénurie de galériens, alors qu’il est secrétaire d’Etat à la marine, Colbert invite les juges à préférer la peine des galères à la peine de mort (« un rameur est plus utile à l’Etat qu’un pendu »).

    [6] Si le texte prévoit de punir tel crime par le bannissement perpétuel, ils ne peuvent condamner à mort.

    [7] Quelques procès criminels des XVIIe  et XVIIIe siècles, sous la direction de J. Imbert, Paris, PUF, 1964, p. 143 et 166.


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  • Abréviations

     Dt  droit

    J°  juridiction

    M.A.  Moyen Age

     

     

      

    § 2 – Les acteurs de la représentation

     A partir du XIIIe siècle, les parties peuvent être assistées d’un procureur et d’un avocat :

    -         le procureur se charge de rédiger les actes de procédure et de suivre le procès pour le compte des parties lorsque la procédure est écrite

    -         l’avocat prend la parole à l’audience lorsque la procédure est orale

     Au XIVe siècle, certains de ces auxiliaires de justice se spécialisent dans la défense des droits du roi devant les juridictions royales : ils deviennent les « gens du roi », et sont à l’origine du ministère public.

     

    A – AVOCATS ET PROCUREURS

     Avocats et procureurs forment un duo d’auxiliaires de justice qui assistent les plaideurs à partir du XIIIe s., c’est à dire lorsque la procédure commence à évoluer dans un sens plus rationnel et que le modèle romain permet de renouer avec la notion de représentation en justice.

    Voici les grandes étapes de l’histoire de ces professions.

     République : avocats désignés par le terme « orator », n’interviennent que sur les questions de fait (le droit est de la compétence des jurisconsultes). Exigences, qualités requises : un talent oratoire (pas de compétences juridiques) qui, s’il est reconnu, peut devenir un « tremplin » politique. On acquiert dans l’exercice de la défense respect, notoriété, popularité, pour espérer accéder à une magistrature élective. La fonction est occasionnelle, honorifique, gratuite, et n’est pas réglementée.

     Empire : véritable profession strictement réglementée par la législation impériale (tarification des honoraires, exigences de capacité, règles de déontologie).

     Haut Moyen Age : plus de représentation en justice. La procédure (accusatoire et fondée sur la présomption de culpabilité) exige la comparution des parties en personne, afin qu’elles prouvent « physiquement » le bien fondé de leurs prétentions devant Dieu. En ce temps là « nul ne plaide par procureur », a-t-on coutume de dire.

     C’est avec la renaissance du dt romain et pour les besoins d’une procédure savante  et rationnelle, que l’on fait appel aux avocats (pour la plaidoirie) et aux procureurs (pour conduire la procédure) : dans un premier temps devant les cours d’église, ensuite devant les j° laïques.

     

    a /  Les avocats

     1274 : 1ère ordonnance royale réglementant la profession. Elle sera suivie de bcp d’autres jusqu’à la fin du M.A. Cette législation médiévale porte essentiellement sur les conditions d’accès, les obligations, et le comportement à l’audience.

     

    conditions d’accès à la profession

     

    -         être titulaire d’un diplôme en droit civil ou canonique

    -         effectuer un stage chez un avocat

    -         être inscrit sur le « rôle » des avocats (ancêtre du tableau)

    -         satisfaire à une enquête de religion (catholique) et de moralité.

    -         Tenir compte de certaines incompatibilités : exclusion des femmes[1] et de certaines professions (ex : la charge d’officier royal n’est pas compatible avec la profession qui, selon Loisel[2], « exige son homme tout entier » ; en revanche, à partir du XVIe siècle, les avocats peuvent enseigner à la faculté et ils seront nombreux à obtenir des chaires de dt français).

     

    Les obligations

     

    -  ils ont le monopole de la plaidoirie (la parole à l’audience) sans pouvoir empiéter sur les écritures réservées aux procureurs (cf. infra).

     

    -  ils ne peuvent demander d’honoraires excessifs : il s’agit d’une marque de reconnaissance qu’il appartient au client de fixer (assistance, service rendu au plaideur, et nullement source de profit). L’avocat est désintéressé, il travaille pour l’honneur (honor, honoraires).

    Développement de l’usage d’une « juste récompense », d’une « rétribution raisonnable » qui va être progressivement tarifée (limite fixée par les ordonnances royales à 30 livres)

    Les avocats sont également tenus d’abaisser leurs honoraires dans deux cas : cause dont l’enjeu est modique / lorsque les parties sont démunies.

    Enfin, il n’existe aucun moyen de se faire payer, une telle action en recouvrement d’honoraires étant considérée comme un manquement grave à la déontologie (passible de sanctions disciplinaires)

     

    -  Prohibition des pactes de quota litis (part du procès / part du résultat du procès) : convention stipulant que l’avocat recevra de son client une part du résultat obtenu en guise de rémunération (ex / part de la valeur de l’objet litigieux ou de l’indemnisation obtenue…). Ce type de pacte est interdit comme portant atteinte à l’indépendance de l’avocat puisqu’il fait dépendre la rémunération du gain du procès.

          → aujourd’hui, l’art. 10 de la loi du 31/12/1971 (modifiée par la loi du 10/07/1991) prohibe « toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire ».

     

    -  ils doivent prêter un serment qui résume l’ensemble de leurs obligations (première prestation de serment lors de l’inscription au rôle, puis serment réitéré annuellement lors de chaque rentrée du Parlement)

     

    Le comportement à l’audience

     

    La législation royale réglementant la profession comporte certaines injonctions relatives à la ponctualité, la courtoisie (pas d’injures dans l’enceinte du prétoire), respect des coutumes locales ( pb de la diversité juridique et coutumière, tentation permanente de faire dire aux coutumes – droit oral et fluctuant, d’application incertaine quant au ressort – ce qui serait susceptible de servir les prétentions du client : il était donc important que les avocats s’engagent à ne jamais les fausser ni les déformer).

     

    Les ordonnances demeurent en revanche silencieuses quant à l’organisation de la profession.

     

    L’organisation de la profession

     

    Cette organisation, qui conduira à la mise en place d’un ordre des avocats (le terme apparaît au XVIIe siècle), n’est pas le fruit d’une volonté royale. Elle est née – de manière empirique- d’une rivalité entre avocats et magistrats.

    Les avocats n’ont en effet jamais exercé au sein d’une structure indépendante, car ils sont sous la tutelle des magistrats. Ils s’organisent néanmoins en corps professionnel, prenant en charge la discipline de la profession, mais ils ne sont pas indépendants.

    A la tête de l’organisation : le bâtonnier[3], élu par ses pairs. Son rôle est double :

    -         il veille à la discipline, formant à cette fin un conseil de discipline (avocats élus par les membres de la profession) chargé de sanctionner les manquements aux règles de déontologie (sanctions : réprimande, suspension, radiation).

    -         Il dresse chaque année la liste (rôle) des avocats admis à exercer selon l’ordre d’ancienneté (et qui remplissent les conditions d’âge, de moralité, de capacité fixées par les ordonnances) → origine du tableau.

    Il existe plusieurs étapes dans le développement de la carrière : les plus jeunes sont « avocats écoutants » (temps de formation durant lequel ils ne plaident pas)[4], ils deviennent « avocats plaidants » passé ce délai d’apprentissage, et s’ils acquièrent quelque notoriété, ils pourront se retirer du prétoire pour devenir « avocats consultants ».

     

    Jusqu’à la Révolution, cette organisation reste placée sous la tutelle du Parlement, ce qui engendrera des tensions permanentes entre avocats et hauts magistrats.

    Manifestations concrètes de la tutelle parlementaire : la maîtrise du Tableau.

    -         toutes les sanctions disciplinaires, bien que décidées par le corps des avocats,  doivent être homologuées par le Parlement.

    -         le tableau, tel qu’il est établi par le bâtonnier, doit être présenté à la Cour pour approbation.

    → tutelle très mal supportée par une profession qui aspire à l’indépendance, principal combat des avocats, qui ne sera récompensé que fort tard, par deux ordonnances de 1822 et 1830.

    → une situation aggravée par le comportement des magistrats traitant les avocats avec condescendance (dans les discours par ex., ou lorsqu’ils leur rappellent le contenu de leurs obligations avant les prestations de serments)

     

    Au-delà de la réglementation et de l’organisation de la profession, il convient de rappeler que les avocats ont joué un rôle décisif dans les progrès de la science du droit, conférant ainsi un certain prestige à la profession. Ils sont nombreux à avoir été de grands jurisconsultes. Certains ont laissé des œuvres majeures qui ont marqué leur temps (traités de pratique, recueils d’arrêts commentés, traités de droit public…)

    → La Roche-Flavin (1552-1627) avocat toulousain auteur d’une œuvre remarquable sur l’institution parlementaire.

    → Les XVIe et XVIIe siècles sont marqués par des avocats qui mettent leur science au service du dt coutumier : Antoine Loisel – déjà cité – Charles Dumoulin, Gui Coquille travaillent sur la notion de « droit commun coutumier ».

    → Un grand publiciste enfin, Etienne Pasquier (1529-1615), qui fut à la fois avocat, humaniste et historien.

    Aux  XVIe et XVIIe siècles, la science juridique est au Palais, incarnée par des avocats et des magistrats ; elle n’est pas à l’université, où l’enseignement n’a pas suivi ces progrès. La fin de l’Ancien Régime est aussi celui de la décadence des faculté de droit.

     

     b /  Les procureurs

     Fin XIIe , l’institution des procureurs se développe devant les cours d’église : elle est d’abord réglementée par le dt canonique (1274, Concile de Lyon). Les procureurs sont alors regroupés en une corporation placée sous l’autorité ecclésiastique. C’est sur la base de ce modèle canonique que la fonction de procureur va se développer en cour laïque.

     Fonction

     Les procureurs ont le monopole de la postulation : ils représentent les parties au procès mais – critère de distinction avec les avocats – sont chargés de conduire la procédure (accomplir les actes de procédure et favoriser le déroulement de l’instance).

     Statut

     Contrairement aux avocats, ils bénéficient du statut d’officiers royaux et subissent donc toutes les conséquences de la patrimonialité des charges. Pour intégrer la profession, ils doivent remplir certaines conditions d’âge, de capacité, de moralité (dispenses aisément obtenues, comme pour les magistrats)

     Cette dualité de représentation (avocat / procureur – droit / procédure – parole / écrit) présentait des inconvénients :

    -         les procureurs sont tombés dans les mêmes travers que les magistrats : pour rentabiliser l’achat d’une charge coûteuse, ils multipliaient les actes dilatoires (cf le système des épices), allongeant ainsi abusivement la procédure et augmentant  considérablement le coût de la procédure pour les plaideurs. De toutes les professions judiciaires, celle de procureur était la plus impopulaire : ils sont détestés par les justiciables, qui se plaignent du « foisonnement de menus papiers » que les procureurs échangent pour « tirer monnaie de chaque geste ».

    -         Cette double représentation était en outre mal comprise par les justiciables car la frontière droit – procédure n’a jamais été clairement définie, que le monopole de chaque profession n’était pas absolu. Il en est résulté une concurrence et une rivalité permanentes entre les deux professions, qui fut préjudiciable au justiciable.

     

    [ Evolution

     Après la Révolution, le procureur renaît sous la dénomination d’avoué. L’administration de la justice restera marquée par cette dualité / rivalité entre avocats et avoués jusqu’à la fusion contemporaine des deux professions par la loi du 31 décembre 1971 (à l’exception des charges d’avoués près les cours d’appel, qui gardent le monopole de la postulation). ]

     Ces avocats et procureurs, rivaux et complémentaires, travaillent en principe avec une clientèle privée. Mais très tôt, certains d’entre eux se mettent au service du roi : cette spécialisation va donner naissance au ministère public.]

      

    B -  AUX ORIGINES DU MINISTÈRE PUBLIC

     

    XIIIe siècle : certains procureurs se spécialisent dans la défense des droits du roi (devant les juridictions royales), et lui réservent même l’exclusivité de leurs services (la fonction est officialisée par une ordonnance de 1303).

    Une évolution parallèle, mais plus tardive, a également concerné certains avocats, de sorte qu’à la fin du MA, on distingue les procureurs / avocats ordinaires (travaillant pour une clientèle privée) et les procureurs / avocats du roi – encore appelés « gens du roi » – qui sont devenus magistrats (leur charge est devenue un office de judicature).

     

    De la défense des droits du roi au ministère public

     Ils sont chargés à l’origine de défendre les droits du roi ( le roi entendu comme personne et pas encore comme institution : conception personnelle et patrimoniale du pouvoir, où le royaume – ensemble de biens, de territoires, de pouvoirs – est encore fondu dans le patrimoine personnel du roi). Mais l’évolution du pouvoir monarchique va alors dans le sens d’une institutionnalisation et d’une dépersonnalisation qui tend à faire du roi le serviteur, le ministre de la Couronne (cette entité supérieure, permanente, et distincte de sa personne éphémère). On ne parlera plus alors de la défense des droits du roi, mais des droits de la Couronne, la Couronne étant la formulation médiévale de l’idée moderne d’Etat. Les « gens du roi » deviennent donc les gardiens des droits de la Couronne (de l’Etat monarchique), investis comme le roi d’un « ministère public » de justice[5].

     

    Dualité procureurs et avocats du roi (en matière pénale)

     Les procureurs se chargent de la procédure écrite, les avocats de la parole à l’audience. Les procureurs auront donc un rôle à jouer dans la procédure criminelle écrite – procédure extraordinaire – réservée aux crimes les plus graves ; les avocats devront suivre les affaires mineures dans le cadre de la procédure ordinaire, caractérisée par la publicité et l’oralité des débats.

    cf. chapitre suivant relatif à la procédure

     

     

     

     

     

     

     

     

     


     

     

    [1] Rappel culture générale : la première femme avocat fut Jeanne Chauvin en 1900.

    [2] Antoine Loisel (1536-1617) : avocat et publiciste français, auteur du « Dialogue des avocats du Parlement de Paris ».

    [3] Origine du mot : les avocats appartiennent depuis le XVe à la confrérie de Saint Nicolas. Parmi les membres de la confrérie – « maîtres » – le premier d’entre eux, appelé bâtonnier, est chargé de porter le bâton contenant les reliques du saint, lors des processions et cérémonies publiques. Le nom est resté pour désigner le chef de l’ordre des avocats

    [4] L’avocat « écoutant » suit au Palais les leçons de ses maîtres et écoute leurs plaidoiries. Bernard de La Roche-Flavin (avocat puis magistrat toulousain au XVIe siècle) parle de « ces avocats écoutants qui suivaient les audiences pendant plusieurs années pour s’instruire de ce qu’ils n’avaient pas appris à la faculté » (la science du dt n’est pas à l’Ecole mais au Palais…). Le principe du stage des jeunes avocats « écoutants » est copié sur le noviciat des religieux : l’avocat stagiaire est un novus.

    [5] Pourquoi le « ministère public » de justice serait-il réservé aux seuls juges chargés de la défense des droits de la Couronne, alors que le service de la justice est une charge publique qui incombe à tous les juges ? C’est au cours du XVIIIe siècle que l’expression s’appliquera plus particulièrement aux gens du roi, parce qu’ils sont censés exercer la partie la plus éminente de ce ministère : la défense de la paix publique (ordre public, dirait-on aujourd’hui), en veillant au respect des ordonnances royales. Nous verrons qu’ils assument à ce titre un rôle fondamental dans la conduite du procès criminel. C’est également au XVIIIe siècle qu’apparaît le terme « Parquet » pour désigner ces gens du roi, magistrats du ministère public : à l’origine, il s’agit d’un lieu clos, le « petit parc », où se réunissaient tous les juges, puis le terme a servi à désigner la chambre réservée aux gens du roi..

     



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    2ème partie  -  Chap. 1 : L’organisation de la justice pénale<o:p></o:p>

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    Abréviations

    dt : droit

    ie : c’est à dire

    J : justice

    j° : juridiction

    p. des m. : prévôt des maréchaux

    Pt : parlement

    trib. : tribunal

    <o:p> 
     </o:p>

    SECTION 1 – L’ESSOR DE LA JUSTICE ROYALE<o:p></o:p>

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    § 1  -  Les raisons d’un succès<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    -         raison d’ordre spirituel : croyance religieuse populaire selon laquelle la mission royale est par excellence une mission de justice.

    -         Raison d’ordre scientifique : le dt romain redécouvert a servi de modèle à cette nouvelle justice, savante, rationnelle, offrant de meilleures garanties aux justiciables (et donc « séduisante » par rapport à la J archaïque et approximative des seigneurs)

    <o:p> </o:p>

    A -  Le modèle chrétien : le ministère royal de justice

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    La tradition chrétienne véhicule l’image d’un roi débiteur de justice envers son peuple. La conception chrétienne du pouvoir (depuis le sacre de Pépin en 752) suppose que le roi tire sa légitimité de Dieu dont il est l’élu, le représentant au temporel. Ce choix de Dieu est illustré par la cérémonie du sacre et par le rite de l’onction.

    La royauté n’est donc pas conçue comme une simple puissance de fait, mais comme une puissance instituée (par Dieu) une dignité, ie soumise à une fin, un but. Les intellectuels médiévaux utilisent un terme ecclésiastique pour illustrer cela : ministerium (désigne un office religieux). La royauté est devenue un ministère, une charge, une fonction confiée par Dieu dans un seul but et pour l’accomplissement d’une seule mission : la justice qui est la condition de la paix.

    <o:p> </o:p>

    Le roi doit gouverner son peuple conformément aux desseins de Dieu, dans le respect de la loi divine (Dieu est à la fois fondement et limite – morale et non institutionnelle – du pouvoir).

    <o:p> </o:p>

    « Sans la justice, les royaumes ne sont que de  vastes brigandages » (Saint-Augustin)

    <o:p> </o:p>

    La justice est la mission royale par excellence, la dette sacrée du souverain. (cf. la représentation du roi sur les sceaux en majesté : il tient dans la main gauche la « main de justice »). Royauté, justice et paix sont trois concepts fondus, inséparables.

    Aussi, lorsque la royauté capétienne disposera des ressources, des moyens nécessaires pour imposer la primauté de sa justice sur les justices concurrentes, cela ne sera pas vécu comme un abus de pouvoir (ce faisant, il accomplit sa mission, il honore un engagement pris envers son peuple et envers Dieu).

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    B -  Le renouveau du droit romain : adaptation et transposition d’un modèle juridique

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    A la fin du Moyen Age (XIIe – XVe) le droit romain est redécouvert et interprété : c’est un événement décisif qui est au cœur de notre culture politique et juridique. En France, comme dans d’autres pays d’Europe continentale, s’opère une mutation capitale grâce à la découverte, l’étude et l’adaptation des compilations justiniennes.

    <o:p> </o:p>

    1° - Les compilations justiniennes<o:p></o:p>

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    Justinien : empereur byzantin qui régna de 527 à 565. Son règne est marqué par une tentative de réunification (la dernière) de l’empire romain. Pour accompagner cette réunification, et dans un souci d’unification du droit, il ordonne à une équipe de juristes de regrouper l’ensemble du droit – public et privé – qui peut toujours être en usage. Cette œuvre de compilation aboutit à la publication de 4 recueils qui forment le Corpus juris civilis : le Code, le Digeste, les Institutes, les Novelles.

    Cette compilation n’a pas été diffusée en Occident car le reconquête territoriale a échoué. En Occident, nous l’avons vu, c’est le temps du déclin de la science juridique, de la régression intellectuelle (VIe – XIIe). C’est donc dans ce contexte de régression que l’on redécouvre le dt romain.

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    2°  -  Redécouverte et adaptation<o:p></o:p>

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    C’est en Italie à la fin du XIe que sont exhumés les anciens textes de Justinien. Ils sont traduits, commentés, puis diffusés dans tout l’Occident (via les universités de dt qui fleurissent un peu partout). Il s’agit d’un phénomène culturellement décisif. L’Occident renoue avec un dt écrit, savant, évolué. L’attraction pour ce dt devient irrésistible, car il fait entrevoir la possibilité d’une société régie dans tous les domaines de la vie privée et publique par le DROIT. Ce dt nouveau est perçu comme un formidable instrument de pacification car il est le produit d’une civilisation dominée par un constant souci de justice, il est le produit d’un Etat de droit et de justice.

    L’ensemble révèle donc un système savant, rationnel, technique qui est à l’opposé des réalités féodales. L’idéal médiéval de justice et de paix était jusqu’alors très abstrait ; il se charge de réalité avec le dt romain. Dès lors, l’ambition des juristes de l’époque va être d’adapter (et non de transposer) ce dt romain à la société médiévale, ce qui suppose un travail

    -         de compréhension : la glose (cf. les glossateurs)

    -         d’adaptation et d’actualisation : il s’agit de tirer du dt romain des solutions pour répondre aux besoins de l’époque, de suggérer des normes nouvelles dans les domaines de la vie sociale marqués par le désordre, la violence, l’injustice. Ce n’est donc pas une « renaissance » du dt romain (car ce dt ne peut s’appliquer en l’état à la société médiévale) ; il s’agit plutôt de la naissance d’un dt scientifique qui adapte les règles romaines à la société contemporaine de cette découverte.

    <o:p> </o:p>

    Notons enfin que le dt romain surgit à point nommé pour fournir au pouvoir monarchique en plein essor les justifications juridiques nécessaires à la transformation des structures politiques, à l’édification d’un Etat monarchique.


    3° -  Le « Roi-Empereur »<o:p></o:p>

    <o:p> </o:p>

    Le dt romain véhicule un idéal politique anti-féodal : celui d’une société organisée autour d’un principe unique d’autorité, l’imperator, qui concentre tous les pouvoirs. [Rappel : la réalité féodale est toute autre. Société morcelée, éclatée en une multitude de potentats locaux qui contribuent à l’atomisation du pouvoir, de la puissance publique → territoire morcelé / autorités multiples / dispersion du pouvoir central).

    Les légistes royaux (conseillers), qui sont formés à ce dt dans les universités, entrent au service du roi dès le XIIe et travaillent à la transposition du modèle juridique impérial en dt public français. Pour eux, le dt romain peut faire passer le royaume d’un régime de violence à un régime de droit. Il faut pour cela vêtir le roi des attributs (politiques) de l’empereur romain. Les vocables du dt public romain pénètrent alors le langage politique de cette période : imperium, majestas, auctoritas, jurisdictio se retrouvent dans les actes de la pratique et servent à définir / préciser la nature du pouvoir royal. Une maxime célèbre résume les convictions de ces premiers publicistes : « rex imperator in regno suo », « le roi est empereur en son royaume », conviction selon laquelle le pouvoir royal est d’essence impériale, ie que le roi peut exercer dans les limites de son royaume les mêmes prérogatives (de puissance publique) que l’empereur dans l’empire (concrètement la concentration de tous les pouvoirs). Cette maxime est la formulation médiévale du concept moderne de souveraineté (un pouvoir suprême unique, indivisible, inaliénable).

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    Le succès du phénomène étatique en France s’explique donc d’abord par le travail idéologique (préparer les mentalités, les esprits) habilement mené par les légistes du roi. La transposition du modèle impérial constitue la base, l’arrière plan idéologique indispensable à l’entreprise de récupération des prérogatives de puissance publique. Elle la justifie, elle la sous-tend.

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    Dès lors, revêtu des attributs de la souveraineté impériale, et inspiré par le modèle romain de justice, le roi peut – dans les faits, in concreto – mettre en place un appareil judiciaire d’Etat, sans heurter le peuple.

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    § 2 -  Le nouvel appareil judiciaire : la justice déléguée<o:p></o:p>

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    Cet appareil judiciaire qui s’appuie sur de nouvelles juridictions a vocation à imposer la justice royale dans tout le royaume. Ces juridictions sont investies du pouvoir de juger par délégation royale ® justice déléguée. Cependant pour pouvoir s’imposer, la justice royale ne peut se contenter de créer de nouveaux organes ; elle doit éliminer la concurrence en luttant contre les juridictions seigneuriales et ecclésiastiques, qui amputent ses propres compétences.

    Il y a deux temps importants dans l’entreprise royale :

    -         imposer sa propre justice, ie ses propres juridictions

    -         lutter contre les juridictions concurrentes

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    A -  Les juridictions royales

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    Jusqu’au XIIe  la justice royale ne dépasse pas le cadre de la curia (la Cour du roi), organe de gouvernement central du royaume, limité à l’Ile-de-France. Le roi y exerce une justice de type féodal, entouré de ses grands vassaux (type horizontal).

    A l’intérieur de ce petit domaine royal, la justice ordinaire – relative aux litiges entre les sujets (type vertical) – incombe aux prévôts royaux (administrateurs royaux au sein d’une circonscription, la prévôté). Ce système rudimentaire est transformé aux XIIIe et XIVe  siècles par la création de j° de droit commun et d’attribution réparties sur l’ensemble du royaume devenu une vaste entité territoriale (placée sous la domination royale), le tout étant coiffé par un tribunal suprême : le Parlement.

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    1° -  Les J° de dt commun<o:p></o:p>

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    La J° prévôtale est conservée, placée tout en bas de l’échelle judiciaire. Mais sa compétence générale – donc pénale – va être progressivement amputée au profit d’une J° supérieure : le tribunal de bailliage ou de sénéchaussée (compétents en mat. civile et pénale).

    Bailliage et sénéchaussée désignent une circonscription administrative et judiciaire confiée à un bailli (nord), à un sénéchal (sud). Ils apparaissent à la fin du XIIe  et quadrillent tout le territoire au XIIIe. Ils ont d’abord été des juges ambulants (accueillant les plaintes formées contre la J° des prévôts), puis tiennent des audiences régulières au chef lieu de la circonscription. C’est au XIVe  que leur tribunal devient permanent.

    Premier démembrement au XVe : en raison de son succès, de l’afflux des causes et de l’encombrement du tribunal, le bailli doit nommer un lieutenant.

    Second démembrement au XVIe : le bailli est alors assisté d’un lieutenant civil et d’un lieutenant criminel (qui s’entourent de conseillers diplômés en droit pour exercer leur office).

    Cette J locale est devenue une J de professionnels. Au XVIe 400 tribunaux de dt commun environ rendent la J sur tout le territoire ; ils ont été les principaux vecteurs de l’expansion de la J royale dans le royaume.

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    Remarque : l’exception parisienne

    Paris se trouve dans une situation exceptionnelle puisque siège un tribunal de dt commun qui n’est pas un tribunal de bailliage : le Châtelet, dirigé par le prévôt de Paris (Au XVIIIe c’est une J° d’importance : 60 conseillers répartis en plusieurs chambres qui rendent la J sous la présidence de divers lieutenants, notamment en mat. pénale).

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    Répartition des compétences

    -         le « petit criminel » relève de la compétence du prévôt royal en 1ère instance ® appel possible devant le trib. de bailliage ou de sénéchaussée (lieutenant criminel à partir du XVIe )

    -         le trib. de bailliage ou de sénéchaussée est également juge de première instance ratione materiae ( pour toutes les matières qui échappent au prévôt, ie le « grand criminel ») et ratione personae (pour juger les nobles et officiers royaux : il s’agit d’un privilège de juridiction) ® appel devant le Parlement

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    Le système est en outre compliqué par le création, au XVIe , des présidiaux ; créés en 1552 par Henri II, ils s’insèrent dans la hiérarchie judiciaire entre les trib. de bailliage (ou sénéchaussée) et les parlements. Ces présidiaux ont une compétence spécifique en mat. criminelle : ils jugent en 1er et dernier ressort toutes les causes qui relevaient jusqu’alors de la J° spéciale des prévôts des maréchaux.


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    2°  - Les J° spécialisées ou J° d’exception<o:p></o:p>

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    Elles sont créées par la royauté au gré des besoins, de manière empirique, dans des domaines spécifiques.

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    Ex / La maîtrise des Eaux et Forêts qui juge toutes les causes civiles et pénales concernant les bois, les rivières, la chasse et la pêche.

    Ex / Les amirautés qui sont en charge de la police de la mer et des rivages, et qui jugent les crimes commis sur mer (piraterie, pillages) et dans les ports.

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    La plus importante de ces J° en mat. pénale reste cependant la j° des prévôts des maréchaux (apparue sous Louis XI fin XVe)

    Le p. des m. dirige la maréchaussée qui est une troupe spéciale (ancêtre de la gendarmerie) organisée pour le maintien de l’ordre, sous la direction des maréchaux de France. Il est en même temps juge d’une criminalité spécifique dans les campagnes : les cas prévôtaux.

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    Cas prévôtaux :

    ® ratione personae : la gent militaire (soldats, déserteurs), les vagabonds et gens « sans aveu » (ceux qui n’ont ni profession, ni domicile certain, ni bien pour subsister et qui « ne peuvent être avoués ni faire certifier de leurs bonne vie et mœurs par personnes dignes de foi »), les repris de justice (contumaces, récidivistes, condamnés en rupture de ban)

    ® ratione materiae : crimes de grand chemin, vols aggravés (effraction, violence, port d’armes), faux monnayage, attroupements séditieux et illicites.

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    La maréchaussée est donc une troupe montée chargée, depuis François 1er, de constater et de poursuivre ces « cas prévôtaux ».

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    Caractères de cette justice : sévère et expéditive

    -         expéditive car ils jugent sommairement et sans appel possible devant le Parlement (les sentences sont exécutoires sur le champ)

    -         sévère car ils prodiguent abondamment sentences de mort et condamnation aux galères

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    Cette J° a donné lieu à beaucoup d’abus. C’est pourquoi l’Ordonnance de Moulins (1566) reconnaît la compétence des présidiaux pour tous les cas prévôtaux par prévention, ce qui veut dire concrètement que si le juge présidial se saisit d’un cas prévôtal avant le prévôt (prévenir = venir avant), il est compétent. S’il ne se saisit pas, la cause revient au prévôt.

    Justification d’un tel système : essayer de régulariser la pratique des p. des m. en les soumettant au contrôle des présidiaux. Finalement, la J° des p. des m. est progressivement vidée de sa compétence au profit des présidiaux.

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    Ce tableau judiciaire nous montre à quel point l’organisation de la J répressive était complexe. Complexité qui s’explique par un phénomène de « sédimentation institutionnelle » propre à cette période : la création d’un organe n’entraîne pas la suppression d’un autre plus ancien. Mais la dispersion n’est qu’apparente car très tôt le système judiciaire royal s’est ordonné autour du Parlement, rouage central de sa justice.

     

    3°  -  Le Parlement<o:p></o:p>

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    Placé au sommet de la hiérarchie judiciaire, le Parlement (Pt) est une cour souveraine qui juge en dernier ressort (il est néanmoins exceptionnellement juge de première instance, ratione personae et ratione materiae : cf. infra) au nom du roi.

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    Origine de l’institution

    Il est une émanation de la Curia regis. Au XIIe lorsque la Cour, organe central de gouvernement, délibérait en matière judiciaire, elle était « in parlamento ». Ces séances « in parlamento » sont devenues de plus en plus fréquentes en raison du renforcement de l’autorité royale. La nécessité d’un organe nettement différencié de la Cour s’est alors fait sentir, à cause d’une activité judiciaire croissante et parce que le droit, toujours plus complexe, exigeait la présence de juristes au sein de la Cour (les grands vassaux du roi ne pouvant plus assumer cette fonction judiciaire, faute de compétences). L’élément « aristocratique » (vassaux) déserte le parlement au profit de l’élément « technocratique » (magistrats compétents, juristes de formation)

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    C’est ainsi que le Pt s’est établi dans un lieu fixe et différent de la Cour. Le roi y siège de moins en moins, s’y faisant représenter par un président. Les magistrats qui officient sont des « conseillers en parlement » (clercs et laïcs), qui ont été formés dans les universités.

    ® différenciation et professionnalisation

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    En raison de la multiplication des affaires et des progrès de la procédure, le Pt se divise dès le XIVe en chambres spécialisées :

    -         la Grand’chambre qui rend en appel les arrêts souverains, et juge en première instance certaines causes ratione personae / materiae( ex. le crime de lèse-majesté)

    -         la chambre des enquêtes qui instruit les affaires avant de les renvoyer devant la Grand’chambre

    -         la chambre des requêtes qui examine la recevabilité des requêtes en appel ; elle est également juge de première instance pour quelques privilégiés (qui monnayent le droit d’être jugés directement par le Pt, sans passer devant les j° inférieures) : privilège dit de committimus.

    -         Enfin, en 1515, on crée officiellement une chambre criminelle : la « tournelle » criminelle (composée uniquement de conseillers laïcs : les clercs en sont exclus car l’Eglise « a horreur du sang » - Ecclesia abhorret a sanguine – ce qui se traduit en matière pénale par l’incapacité de prononcer des peines corporelles). Cette chambre doit son nom à un mode de composition spécifique : les conseillers sont choisis à tour de rôle dans les autres chambres et y siègent par roulement. Ce principe de rotation devait permettre d’éviter que les juges ne s’endurcissent trop par la pratique de la répression. On craignait en effet que « l’accoutumance de condamner et faire mourir des hommes n’altère leur douceur naturelle et ne les rende inhumains » (De Ferrière). Cette chambre juge donc en dernier ressort toutes les causes pénales emportant condamnation à une peine afflictive et infamante (sauf le crime de lèse-majesté et certaines causes de privilégiés qui relèvent directement de la Grand’ chambre du Pt).

    <o:p>  </o:p>Au XVe siècle, le Pt de Paris est tellement surchargé, engorgé, que la royauté installe des Pts en province, organisés sur le même modèle et disposant des mêmes compétences (quoique sur des ressorts moins vastes). ® le premier Pt de province est créé à Toulouse en 1444 ; à la fin de l’Ancien Régime, ils seront 13 (12 en province, 1 à Paris).

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    La décision du Pt est en principe souveraine (rendue en dernier ressort). Toutefois, le roi peut à tout moment reprendre le pouvoir qu’il a délégué au Pt (exercer sa justice retenue)

    -         soit avant la décision du Pt, en jugeant à sa place (cf. infra la procédure du « lit de justice »)

    -         soit après la décision, en modifiant la sentence (exercice de la grâce)

    -         il peut également être saisi d’un pourvoi en cassation sur le fondement d’une erreur de droit (violation de la loi ou des formes procédurales). Si le roi considère que le pourvoi est fondé, il casse l’arrêt du Pt (sans examiner l’affaire au fond) et renvoie devant le Pt pour qu’il soit statué à nouveau (origine de notre cassation).

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    <o:p> </o:p>Le succès de la J royale ne s’explique pas seulement par cette organisation judiciaire hiérarchisée et centralisée. Encore fallait-il combattre les « ordres » concurrents, ces juridictions qui avaient conservé certaines compétences en matière civile et pénale. La conquête de la souveraineté judiciaire passait nécessairement par cette lutte menée sur le terrain des compétences, par l’abaissement des juridictions concurrentes.

     

    B - L'abaissement des juridictions concurrentes

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    B – L’abaissement des juridictions concurrentes


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